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UN AUTRE PAYSAGE (Blutch)

LIVRE. Nul n’est prophète en son pays…à part peut-être Blutch dont l’ Œuvre va faire l’objet de pas moins de 5 expositions dans sa ville, Strasbourg. Au musée Tomi Ungerer, au musée d’Art moderne et contemporain ainsi qu’à la salle de l’Aubette du 22 mars au 30 juin mais aussi à la médiathèque André Malraux et au Shadok en mars et avril. Heureux alsaciens qui vont pouvoir découvrir des planches originales de ses livres ou, mieux encore, des dessins orignaux issus de sa collection personnelle. Les autres, ceux qui ne peuvent pas se déplacer dans l’est de la France, pourront toujours se consoler avec ce beau livre, catalogue de l’exposition organisée au musée Tomi Ungerer (autre alsacien célèbre qui vient de mourir et à qui l’on rend ici, au passage, hommage). Intitulée Blutch. Un autre paysage. Dessins 1994-2018 parce qu’elle s’intéresse à l’autre Blutch, celui que l’on connaît moins, celui que l’on ne rencontre pas (ou rarement) dans ses bandes dessinées, celui des dessins et autres peintures qu’il réalise au quotidien. Voilà en quoi ce livre est précieux : il nous donne à voir ce Blutch là, rare : un auteur en totale liberté, qui crée sans arrières pensées (ces dessins n’avaient pas pour but d’être publiés), sans contraintes, qui dessine par pur plaisir et n’a qu’une chose en tête : saisir l’émotion de l’instant. Que ce soit avec un stylo, des pastels, un stylo pinceau, des lavis d’encre ou des crayons de couleur. Car ce que fuit Blutch par dessus tout c’est la routine. Voilà pourquoi il expérimente, change de technique continuellement et aborde, dans ses bds, des genres aussi variés que la parodie, le récit épique, l’autobiographie, l’essai ou les gags en une page. La bd, avec laquelle il a un rapport ambivalent : média qu’il adore mais qui enferme son dessin, le corsète dans des cases et réduit donc ses possibilités (« Depuis des années, je sens mon dessin en danger d’asphyxie à l’intérieur de ces règles »). Tout l’enjeu pour Blutch est donc là : parvenir à garder cette excitation, cette candeur de l’enfant qu’il était (quand il dessine, l’enfant est libre de tout stéréotype et de toute contrainte) ! Voilà pourquoi il a besoin de régulièrement prendre ses distances avec la bd et de dessiner librement.

Voilà ce que l’on découvre grâce à ce recueil de dessins réalisés sur une période de plus de 20 ans ainsi qu’aux 2 jolis textes de présentation signés Thérèse Willer et Dominique Radrizzani et surtout à l’interview de l’auteur réalisée par Emmanuel Abela qui revient également sur les auteurs et les œuvres (citons, entre autres, Lucky Luke, Picsou, Tintin, Carl Barks, Luciano Bottaro, Hergé ou Morris) qui ont influencé Blutch enfant, sur ce qui l’a poussé à dessiner (« Le dessin m’a conforté, m’a isolé du mouvement général et en même temps, il m’a apporté un rôle social, une position agréable, enviable. Tu deviens celui qui dessine »), ce qu’il veut faire passer dans ses récits (« Il n’y a rien à comprendre, il y a à ressentir ») ou comment il perçoit son travail. On découvre un auteur dubitatif, circonspect face à ce qu’il produit. Jamais vraiment satisfait, il se montre souvent critique par rapport à ce qu’il fait, comme lorsqu’il parle de son travail pour le magazine Jazzman (« J’ai essayé de traduire cela visuellement dans Total Jazz, mais je n’y suis pas parvenu. C’était une inexpérience, un travail inabouti. Comme peut-être, l’essentiel de mes tentatives »), pour lequel il devait réaliser 1 planche par mois.

L’occasion unique, en tout cas, de plonger dans l’ Œuvre (et ses coulisses) de l’un des auteurs majeurs, de par sa singularité (il faut absolument lire C’était le bonheur, son œuvre la plus touchante -sans cases, ce n’est pas un hasard- selon nous), de la bd actuelle. Et de découvrir une autre facette (et notamment ses dessins réalisés aux pastels, saisissants de mystère et de vérité) de son grand talent. Grandiose.

(Catalogue, 240 pages – Dargaud)

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