BD. Mai 1958. La France est plongée dans une crise politique qui n‘en finit pas de durer. Depuis le lancement de l’insurrection du Front de libération nationale en Algérie, les gouvernements se succèdent à la tête de la IVe république, sans qu’une issue ne soit trouvée à la question algérienne. Car la répression sanglante du général Massu lors de la fameuse bataille d’Alger en 1957 a au moins démontré une chose : tous les partis français sont d’accord sur un point : ils veulent que l’Algérie reste française. Alors quand Pflimlin, qui a annoncé qu’il était prêt à négocier avec le FLN, est sur le point d’être investi chef du conseil (l’équivalent de premier ministre sous la IVe république) par l’Assemblée, le général Salan, qui a été récemment nommé Commandant supérieur interarmées de l’Algérie, sent que cela risque de mal tourner. Il prévient son état-major qu’il risque d’y avoir des émeutes. Et même peut-être une sédition au sein de l’armée. Il faut dire que certains généraux n’attendent que ça pour monter un putsch…Pendant ce temps-là, le général de Gaulle est à Colombey-les-deux-Eglises. Il promène son chien, il lit les journaux. Bref, il attend son heure…
Un véritable hold up politique ! Probablement le plus énorme que la France ait connu. De Gaulle, contraint à la retraite politique après la seconde guerre mondiale (en voyant que la IVe république tout juste instituée avait accouché d’un régime parlementaire et non d’un régime présidentiel fort comme il le souhaitait) à Colombey-les-Deux-Eglises et oublié de (quasiment) tous, qui oblige, 12 ans plus tard, le président Coty à lui donner les pleins pouvoirs (l’assemblée a été suspendue) pour 6 mois en raison de l’état d’urgence à l’issue d’un imbroglio hallucinant, personne ne l’avait vu venir ! Et pourtant…Le libérateur de la France a pu compter sur la fidélité de quelques amis, dont Delbecque et Massu qui intègrent (Massu en prendra même la tête) le comité de salut public qui veut libérer la France par la révolution depuis Alger pour intriguer de l’intérieur. Sur les atermoiements de Coty et des différents présidents du conseil. Sur l’incapacité de l’Assemblée à s’entendre sur la question algérienne. Sur l’égo et la soif de pouvoir des généraux qui savent quand même mieux que les politiques de quoi l’Algérie a besoin…Et sur le goût prononcé de la France pour l‘homme fort providentiel.
Un chapitre de l’Histoire française abracadabrantesque, qui frise l’absurde, que Juncker et Boucq ne pouvaient raconter que sur un mode comique (il n’y a qu’à regarder la tête de possédé -ou d’ahuri, c’est selon…- qu’a de Gaulle sur la couverture, tout simplement géniale, pour saisir le ton d’Un Général, des généraux…). Si tous les faits, bien réels, sont ici parfaitement démêlés et explicités par Juncker, dont le scénario est très documenté, le scénariste y ajoute des dialogues truculents et des situations parfois délirantes. Et il y a bien sûr le dessin, vraiment impressionnant, de Boucq. Qui a une énergie incroyable. Et dont la capacité à caricaturer tous ces généraux et hommes politiques est juste sensationnelle. Et cruelle aussi, pour eux…S’il y a bien un dessinateur qui devait mettre en scène Un Général, des généraux, c’est bien Boucq. C’est une évidence à sa lecture. Voilà pourquoi Juncker n’a pas dessiné son histoire lui-même. Et il a bien fait car ce livre est une franche réussite. Une leçon d’histoire comme vous en avez rarement lue…
(Récit complet, 144 pages – Le Lombard)