Nicolas de Crécy est passionné de culture japonaise depuis quelque temps déjà. C’est d’ailleurs le pays du soleil levant qui lui a donné envie de refaire de la bd quand un éditeur lui proposa de publier un récit dans la revue Ultra Jump à raison d’un épisode de 23 pages par mois. Cela déboucha sur l’excellent La république du catch (paru en France chez Casterman en 2015). Auparavant, il avait aussi, notamment, sorti un carnet de croquis, Carnets de Kyoto, aux éditions du Chêne et il ne fait finalement que revenir à ses amours japonaises avec Un amour flottant. Un livre singulier, à la fois dans la forme et dans le fond.
Dans le fond parce que de Crécy y rend hommage à 2 aspects de la culture japonaise en les mêlant : les Yôkai et les haïkus. Les Yôkai sont ces esprits issus des légendes rurales, omniprésents au Japon, qu’ont popularisé Mizuki dans ses mangas ou Miyazaki dans ses films d’animation. Et les haïkus sont ces petits poèmes très courts (ils sont constitués de 3 vers de cinq, sept et cinq syllabes) et directs particulièrement prisés dans le pays. L’auteur propose donc ici de magnifiques dessins double pages, indépendants les uns des autres, dans lesquels il met en scène des Yôkai dans un environnement urbain (un dieu fatigué qui cherche un endroit calme pour s’éteindre ou une créature géante à tête d’oiseau qui s’apprête à provoquer un tremblement de terre avec un marteau gigantesque) parfois commentés d’un Haïku de son cru. Mais aussi dans la forme car Le monde flottant sort dans la collection Yin et Yang de Noctambule et se présente donc comme un livre accordéon que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre. Un choix on ne peut plus logique puisque cela rapproche Le monde flottant de l’emaki (« rouleau peint », en japonais), forme de narration horizontale peinte traditionnelle (elle est apparue au VIIIe siècle) du Japon.
Tour à tour facétieux, étonnant ou contemplatif, Un monde flottant nous propose un très beau voyage dans le Japon de de Crécy (avec, au passage, notamment, un hommage à Hokusai, célèbre peintre de La Grande Vague de Kanagawa) le temps de ce beau livre original tout en nous faisant patienter jusqu’à la sortie (on l’espère…) de la suite de La république du catch.
(Récit complet – Noctambule)