BD. Alors que Charles Berberian travaille à l’illustration de Mon Père est un super-héros, un texte d’Arnaud Cathrine, le Covid 19 fait son apparition et le confinement est déclaré, coinçant l’auteur chez lui à sa table à dessin. Une situation qui fait émerger un souvenir : la dernière fois qu’il a été coincé chez lui à dessiner, c’était en 1975. A Beyrouth. La guerre civile venait d’éclater…Et quand bombardements et combats étaient trop importants, l’auteur se retrouvait avec ses parents et son frère ainé Alain dans le couloir, la pièce la plus éloignée des murs extérieurs…Un souvenir en amenant un autre, Berberian évoque ensuite, dans des techniques différentes et variées (trait fin au stylo ou plus épais au feutre pinceau, noir et blanc, aquarelles…) auxquelles Berberian mêle photos ou cartes postales, pèle mêle, Beyrouth, la ville de son enfance (il y a vécu 6 ans avant que son père ne l‘emmène à Paris pour le mettre à l’abri) et ses habitants philosophes habitués à vivre au jour le jour tant ils ont connu de catastrophes, dont il aime dessiner le bordel ambiant, le “aaj’a” comme on dit en libanais et où il est retourné régulièrement depuis ; sa grand-mère Yaya Lucy avec qui il vécut, dans son appartement de l’immeuble Tarazi quand ses parents étaient à Bagdad pour le travail ; son frère Alain, le garçon “le plus cool du Moyen-Orient” à qui l’auteur rêvait de ressembler et qui devint, par la suite, un réalisateur célèbre avant de mourir récemment ; ses parents, bien sûr ; son amour grandissant pour le dessin ; les filles…
Un livre hybride, à la narration libre (qui suit le principe des souvenirs, qui vont et viennent selon leur propre logique), souvent mélancolique (même s’il n’y a vécu que 6 ans, Berberian a tout de même été déraciné), philosophe parfois, qui rend un bel hommage à Beyrouth et au Liban, dont la résilience n’est plus à démontrer, ainsi qu’ à la famille de l’auteur, dont les racines sont disséminées (en Arménie, en Grèce, en Palestine, au Liban, en France…) un peu partout autour de la Méditerranée. Un beau récit, tendre et singulier, qui s’adresse peut-être avant tout aux fans de Berberian puisqu’il leur permettra de découvrir l’enfance, particulière, qu’il a vécu au Liban.
(Récit complet, 160 pages – Casterman)