BD. Avec le Cataclysme, l’Humanité frôla l’extinction. Les survivants durent se spécialiser pour rebâtir une société organisée et viable : Vertigéo. L’Empereur, sorte de Dieu créateur, et le Chambellan, son représentant sur Terre, enseignent depuis que l’issue ne peut être que vers le haut. Privés de soleil à cause de nuages noirs épais, ouvriers, ingénieurs et charpentiers doivent donc construire, jour et nuit, pour ajouter des étages aux tours gigantesques et voir, peut-être, enfin, un jour, la lumière. Ceux qui désobéissent, faiblissent ou ralentissent sont jetés dans le vide par les punisseurs. Ugo, chef de chantier, n’a connu que cela toute sa vie : poussée, travail et menaces. Pourtant, il continue à mener son équipe vers le haut. Il a été formé et même endoctriné pour cela. Jusqu’à ce qu’il rencontre une ingénieure en fuite qui va faire voler en éclats ses certitudes…
Pour son premier scénario de bande dessinée, Lloyd Chery (il est depuis peu rédacteur en chef adjoint de Métal Hurlant et produit le podcast C’est plus que de la SF), associé ici à Emmanuel Delporte, reprend à son compte des thèmes classiques de la SF : nouvelle société post-apocalyptique, manipulation, exploitation, aliénation. Mais en livre une vision très personnelle et frappante. Particulièrement critique aussi car cette tour se veut une véritable métaphore du monde du travail : les ouvriers se tuent, littéralement, à la tâche pendant que les élites prennent du bon temps ! Le message n’apparaît, bien sûr, que très progressivement au fur et à mesure d’indices délivrés avec parcimonie par une narration rigoureuse parfaitement construite.
Un scénario, inspiré, sur mesure pour Amaury Bündgen, qui livre, comme à son habitude, une partition graphique superbe. Techniquement bluffant, son dessin en noir et blanc puissant amène beaucoup de souffle à cette histoire particulièrement sombre, même si elle se clôt paradoxalement par quelques pages en couleur, les premières pour le dessinateur depuis ses débuts en bande dessinée avec Ion Mud.
Un grand récit de SF qui nous fait découvrir Lloyd Chéry en tant que scénariste et confirme le talent de Bündgen !
(Récit complet, 136 pages – Casterman)