BD. La Visa tremble de partout et donne des signes de fatigue évidents mais elle tient le coup ! Elle permet en tout cas à Nicolas de Crécy et son cousin Guy de poursuivre leur périple un peu fou : partis de France, ils entendent traverser le Bosphore et Istanbul pour rejoindre l’Asie et aller le plus loin possible. Dans ce volume 2, ils quittent la Bulgarie et se dirigent vers l’ex-Constantinople. Mais il y a encore un dernier obstacle à franchir pour cela : la frontière et ses douaniers turcs peu conciliants…
Réalisé 35 ans après, voilà un carnet de voyages qui ne risque pas, avec de Crécy, d’être monotone…Car les découvertes et rencontres avec la population (toujours accueillante) ou les policiers (impressionnés par le tableau de bord, et son radar, de la Visa) sont entrecoupées d’extraits d’œuvres, de Kafka ou Max Jacob, de remarques sur les qualités capillaires de l’auteur (il avait déjà une calvitie précoce à l’époque…) et la « fameuse » coupe capot, de souvenirs plus anciens (par exemple de vacances passées avec son cousin à occuper le temps à pêcher ou à inventer des objets absurdes, comme le chôr, qu’ils devaient ensuite présenter aux passants en maillot de bain) ou récents (un voyage en Biélorussie lors duquel l’auteur a participé à un festival artistique visant à mettre en valeur l’œuvre de Chagall, l’enfant du pays, digression qui court sur quelques 40 pages tout de même…) ou d’apparitions de personnages étranges (comme ce motard qui semble surveiller de Crécy et son cousin Guy et qui s’avère être le fantôme d’Henri Michaux, que de Crécy avait cité, plusieurs fois auparavant, un peu trop visiblement…). Cela donne un carnet assez surréaliste, qui raconte effectivement un voyage mais propose tout un tas d’autres choses en même temps : réflexion sur le fonctionnement de la mémoire (certains des souvenirs de l’auteur ont été « turnerisés »…), différence d’évocation entre dessin et photographie (qu’il qualifie de « mémoire du pauvre »), regard amusé sur une période pendant laquelle le manque de curiosité ou la pingrerie a empêché les 2 cousins de vraiment vivre les choses (ils ne sont même pas entrés dans la mosquée bleue et sont restés très peu de temps à Istanbul…), observation des dictatures communistes et envolées poétiques. Sans oublier un petit détour par Tchernobyl….
Drôle, poétique, philosophique par moments, surréaliste aussi, Visa Transit est décidément un carnet de route bien singulier que de Crécy met en images de son trait spontané si personnel. On aime beaucoup ! Suite et fin dans le troisième volume.
(Récit en 3 volumes, 136 pages pour le volume 2 – Gallimard BD)