Le livre l’annonce d’emblée : Vive la marée est un récit à 2 cerveaux et 2 mains, une gauche et une droite, de Prudhomme et Rabaté, chacun ayant donc travaillé au scénario et pris les crayons. Il oublie de dire à 4 yeux ! Car comme avec Fenêtres sur rue, son livre accordéon sorti dans la collection Noctambule de Soleil, Rabaté, accompagné cette fois de son acolyte Prudhomme (avec qui il avait signé La Marie en plastique), observe ici une faune étonnante et très divertissante : les vacanciers qui viennent s’agglutiner sur les plages et dans les campings du littoral dés les premiers jours de juillet venus. Dans un long travelling, qui se permet parfois des zigzags et quelques zooms, Vive la marée passe d’une voiture coincée dans les bouchons à une autre, d’une caravane au camping à une tente, d’une famille arrivant à la plage à un vieux monsieur qui y promène son chien et suit ainsi une journée dans la vie de ces touristes.
Un récit choral à l’extrême (il y a ici une multitude de personnages) et formellement très original (chaque protagoniste n’apparaît que le temps de quelques cases même si certains reviennent par la suite et surtout il y a la contrainte, très Oubapienne, du lien -cela peut être un personnage en arrière plan sur lequel on va ensuite se focaliser ou un élément du décor- que doit avoir une case avec celle qui la précède) qui s’amuse de ce spectacle, qui se répète invariablement chaque année, constitué des manies des habitués des campings (qui reviennent tous les ans au même endroit et demandent le même emplacement), des sempiternelles parties de boules, des conversations sociales complètement vides (on parle souvent du temps qu’il fait. C’est important le temps qu’il fait quand on est en vacances !) ou des jugements pleins d’a priori des uns sur les autres. Un beau portrait des français à la mer quoi !
Un récit souvent drôle parce que c’est finement observé mais aussi parce que Rabaté et Prudhomme l’ont truffé de jeux sur la langue (comme l’annonçait d’ailleurs le titre) qui apportent souvent un double sens tordant aux différentes scènes et de trouvailles visuelles cocasses (un homme qui semble monter à cheval alors qu’il s’essuie en fait avec sa serviette, des rouleaux pour peindre qui deviennent les roues d’un skateboard faisant une figure dans les airs…). En apparence léger comme une brise d’été, Vive la marée propose à y regarder de plus près quelques scènes saisissant la beaufitude dans toute sa splendeur qui sont assez féroces tout de même. Une belle réussite que ce nouveau livre du binôme Rabaté/Prudhomme !
(Récit complet – Futuropolis)