CARNET. Si Young Man est à ranger dans la série des carnets que Sfar publie depuis…très longtemps (il a commencé lorsqu’il était à L’Association), ce nouvel opus se distingue pourtant nettement des autres. Il n’a en effet pas été réalisé dans le but d’être publié…On vous explique tout ! Pour l’exposition (visible du 12 octobre au 12 mai 2024) que le MahJ, le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, lui consacre, l’auteur a dû se replonger dans ses archives, 40 mètres cube de carnets, essais, planches qui étaient stockés dans sa cave, pour ranger, trier, sélectionner. Et il est retombé sur ses carnets qu’il a remplis lors de ses jeunes années : lorsqu’il était étudiant (en philo à Nice et en même temps aux Beaux-Arts à Paris) puis quand il a rejoint l’atelier Nawak de L’Association et envoyait ses premiers projets BD aux éditeurs. Une période qui va de 1992 à 2000 pendant laquelle, comme il en a gardé l’habitude ensuite (il a tout de même sorti 20 carnets en tout, à L’Association, chez Gallimard, donc mais aussi chez Delcourt et Marabout…), il a compulsivement dessiné, pour se faire la main (aux Beaux-Arts, il étudiait notamment la morphologie ave Debord, l’un des professeurs qui l’a le plus marqué), pour rire (on retrouve des dessins de ses potes Blain, Trondheim, Guibert ou David B., ses complices de l’atelier des Vosges qu’il s’amusait à croquer) mais aussi pour faire des recherches de personnages. Et il y a aussi livré ses états d’âme, ses déceptions et ses coups de gueule. Sfar y a sélectionné ce qui lui paraissait le plus intéressant, l’a ensuite construit sur le modèle de ses précédents carnets tout en ajoutant des annotations : une petite tête, chauve et barbue, du Sfar actuel, cinquantenaire, apparaît ainsi régulièrement pour commenter, avec un peu d’ironie et de distance, ce qu’a écrit et dessiné le Young Sfar ou tout simplement pour remettre les choses dans leur contexte afin d’aider le lecteur à suivre. Cela donne un carnet forcément différent, encore plus frais et authentique que d’habitude, qui nous donne, surtout, l’occasion, rare, de plonger dans les premières années de la carrière de cet auteur devenu incontournable. On y croise déjà ses obsessions pour les monstres, on y voit apparaître les premières représentations graphiques de personnages (on est d’ailleurs surpris de voir que beaucoup étaient déjà dans la tête de l’auteur) qui allaient devenir célèbres (Ossour Hyrsidoux, Le Borgne Gauchet, Pétrus Barbygère, Sardine de l’espace, Professeur Bell…), on est les témoins privilégiés des liens amicaux mais aussi artistiques (il allait collaborer avec chacun d’entre eux…) que Sfar noue avec Trondheim, Blain, Guibert ou David B. ou de ses premiers échecs (il avait du mal à se faire éditer au début…), bref on y voit un auteur en train de grandir et de se faire. Un joli cadeau que Sfar fait à ses fans !
(Récit complet, 352 pages – Gallimard BD)