Roman. Autrefois, il était Zébu Boy. Robuste, dans l’arène, face au bœuf, il était le plus fort et était la fierté de son père. Mais revenu d’une guerre qu’il a justement faite pour lui, Ambila n’est plus rien. Envolés les rêves de nationalité française, sans solde, il a tout perdu. Mais caresse l’espoir de racheter le cheptel de son père. Sa route va croiser celle de l’instituteur Tintely qui a, quant à lui, accepté de transporter des détonateurs jusqu’à Moramanga pour Raymond qui lui a promis de l’aider à tuer le blanc qui lui a pris sa femme. Car la révolte gronde chez les malgaches, las des humiliations, des impôts injustes levés par les vazahas, les français, et les réquisitions de travailleurs…
Zébu Boy est le premier roman d’Aurélie Champagne. Un récit qui aura pris 16 années pour voir le jour, l’auteure l’ayant débuté en 2003, après un voyage-quête (son père est Malgache) de 6 mois à Madagascar, avant de le reprendre, de le développer et d’en faire ce récit puissant. Comme souvent avec les premiers romans. Porté par une écriture forte, hallucinée par moments (comme lors de la scène des combats dans la prison Brisset) et singulière (chants, poésies et légendes malgaches parsèment le récit comme les mots malgaches -les amulettes aody, les Kabarys que l’on entonne-parsèment les phrases), Zébu Boy est un roman du deuil. Car finalement, ce qu’ Ambila n’a cessé de faire depuis la mort de sa mère et du bébé, c’est « endormir son chagrin », comme il le dit lui-même, en combattant les bœufs dans l’arène, en s’engageant dans la grande guerre ou en faisant ses petits trafics. C’est aussi un roman de la révolte. Car il se passe au beau milieu des événements de 1947 et l’insurrection malgache contre la puissance coloniale dominante qui a ajouté, au pillage des ressources naturelles et des forces vives de l’île, l’injustice du retour de la guerre (après 39-45, les Malgaches -mais aussi les tunisiens, les algériens, les sénégalais…- sont redevenus des indigènes qui peuvent attendre longtemps avant de percevoir les indemnités de démobilisation, de captivité ou la prime d’invalidité que doit verser l’état français). Et nous donne à voir la barbarie de la colonisation (personnifiée par un personnage, « le roux ») et ses « méthodes Gestapo ». Enfin, c’est également un roman de la vie, rempli de la chaleur, des couleurs et des odeurs de l’Afrique, qui n’oublie pas d’être drôle, jalonnant la virée de Zébu Boy de quelques scènes burlesques (notamment quand il doit régulièrement arrêter la voiture car Tintely a la diarrhée), se moquant, au passage, des croyances et superstitions locales (et de ses aodys, amulettes sensées transformer les balles en eau) ou pointant du doigt ceux (comme Abdallah qui se venge d’une femme qui a repoussé ses avances en faisant arrêter son mari) qui profitent de la révolution pour s’enrichir ou régler leurs comptes.
Une belle découverte que cette voix littéraire résolument différente, qui raconte une autre Histoire de la colonisation. Une auteure à suivre.
(Roman, 256 pages – Monsieur Toussaint Louverture)