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NOUS LES MOCHES (Michelin)

ROMAN. Doug, Eric, Seth et Jeff ont beau être encore jeunes, ils ont compris, de par leurs familles dysfonctionnelles qui galèrent et l’attitude des autres lycéens avec eux, que le rêve américain n’était pas pour eux. Alors ils ont fondé ce groupe de thrash, Obliterator, pour hurler leur colère. Ils étaient plutôt bons mais pas assez pour percer. C’est ce que pensait Seth, en tout cas, qui ne s’est pas pointé le jour d’un concours tremplin qui aurait pu changer leur destin. Alors, quand 25 ans plus tard Doug décide de réunir tout le monde pour répéter afin de faire ce qu’ Obliterator n’avait jamais fait : partir en van quelques semaines pour une tournée qui les mènera vers l’ouest et Seattle (il doit y rencontrer son fils qu’il n’a encore jamais vu), Eric et Seth sont forcément dubitatifs au début…avant d’accepter. Il faut dire que le premier n’a pas grand chose d’autre à faire. Et le second a besoin de sortir de sa routine familiale…

« Des moches », on en croise beaucoup tout au long du road-trip de ces 4 copains. Dans les bars où ils jouent ou les Diner’s où ils s’arrêtent manger. Les laissés pour compte de l’Amérique. Ceux que l’on ne veut pas voir, qui ont du mal à s’en sortir, même en cumulant 2 ou 3 boulots. Ces tocards bas du front qu’on trouve une fois gratté le vernis de l’American Dream. Ceux qui ne peuvent pas se soigner quand ils sont malades car ils n’ont pas une bonne assurance. Et qui votent Trump parce qu’ils en ont marre que les politiciens de Washington D.C. les ignorent…Jean Michelin les connaît bien car il a vécu 3 ans aux États-Unis, à Norfolk justement (c’est de là que viennent les 4 gars), où il était militaire sur une base de l’OTAN. Cela lui permet de brosser ici un portrait qui sonne vraiment juste, très désenchanté (« Au bout d’un moment le système te mâche et t’es bien obligé d’admettre que t’as perdu, alors tu te fâches plus »), des États Unis. Mais aussi du music business qu’il n’épargne pas non plus dans Nous les moches, épinglant, au passage, Metallica, groupe qu’idolâtraient les 4 copains mais aussi l’auteur, grand fan de musique (il est bassiste dans un groupe, tout comme Éric, le narrateur principal), on le devine : « On en revient toujours au même truc : quels embranchements ont conduit ces mecs-là qui ont été un phare pour tous les paumés blancs des banlieues résidentielles pendant 15 ans à s’offrir un trip égocentrique pareil ? ») ou Dave Grohl que l’on reconnaît derrière le personnage de Ken Wahl (« Ken, tu es une marque, tu es un produit. Mon boulot c’est de te faire exister et de te vendre. »). C’est aussi une belle histoire d’amitié entre ces 4 copains et d’amour mais on n’en dit pas plus à ce sujet…

On y croit à cette histoire parce que Michelin a cette même colère que celle qu’Eric et ses potes avaient besoin d’exprimer dans le thrash. Contre cette société que l’on nous vend comme la seule option possible. Contre les populistes comme Trump qui utilisent la colère des gens pour leurs propres intérêts. Contre la vie aussi, pas toujours drôle, mais qui vaut malgré tout la peine. Un très beau roman, écrit avec sincérité et mordant. Coup de coeur !

(Récit complet, 252 pages – Editions Héloïse d’Ormesson)

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