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L’ABIME DE L’OUBLI (Terrasa/Roca)

BD. Alors qu’il attendait son exécution dans sa cellule, José Celda a écrit une lettre à destination de sa famille sur un bout de papier qu’il cacha ensuite dans la doublure de son pantalon. Il y clamait son innocence et demandait à ses proches de ne pas l’oublier. On peut dire que sa fille Pepica a honoré ses dernières volontés ! 81 ans après sa mort, cette dernière a pu, grâce à la loi sur la mémoire historique promulguée par le gouvernement Zapatero, financer l’ouverture de la fosse numéro 126 du cimetière de Paterna, dans la banlieue de Valence. Près de 144 corps, tous des victimes de la répression franquiste (la guerre civile était pourtant finie depuis plus d’un an…), y étaient enterrés. Tous ne purent être identifiés mais celui du père de Pepica le fût. Grâce, notamment, au gardien du cimetière, Leoncio Badia, qui prit de gros risques pour faire parvenir des objets appartenant aux défunts à leur famille ou en faisant entrer ces dernières en cachette pour qu’elles puissent se recueillir une dernière fois auprès de leur corps. Dans le cas du père de Pepica, c’est une petite fiole renfermant son nom écrit sur un bout de papier que sa sœur déposa dans son cercueil qui permit aux archéologues d’identifier formellement son corps…Et Pepica pût enfin déposer les restes de son père auprès de sa mère…

C’est ce touchant combat contre l‘oubli que Paco Roca et Rodrigo Terrasa nous racontent ici magnifiquement, croisant les efforts de Pepica pour obtenir réparation (et les fouilles des archéologues) avec les destins de Leoncio Badia, le gardien héros et de José Celda, fusillé pour avoir eu le tort d’avoir appartenu au parti gauche républicaine. Une histoire qui revient sur ce chapitre sombre de l’histoire espagnole sous un angle différent, véritablement poignant, avec ce combat des familles pour tenter d’identifier le lieu d’inhumation de leurs proches mais aussi sur les dangers de l’amnésie historique qui guette l’Espagne (les gouvernements de droite ont mis fin à cette possibilité pour les familles pour « arrêter de remuer le passé »). C’est raconté avec émotion mais aussi beaucoup de pudeur, c’est aussi très documenté et dessiné, comme d’habitude avec Paco Roca, de façon fort juste : un trait sobre et précis rehaussé de couleurs informatiques. Un beau récit, vraiment, intelligent et émouvant à la fois, qui rend un superbe hommage aux victimes du franquisme. Gros coup de cœur !

(Récit complet, 296 pages – Delcourt/Mirages)

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