Pas étonnant que cette première partie du diptyque de Rob Davis ait obtenu 2 nominations aux célèbres Eisner Awards américains l’an dernier : son adaptation du mythique Don Quichotte est en effet tout simplement incroyable ! Bien sûr, il lui a fallu faire des choix pour condenser la matière première, importante, qui s’offrait à lui mais il a réussi à garder, et même mieux, à mettre en lumière, ce qui fait tout le sel du roman de Cervantès (écrit il y a plus de 400 ans ! Rappelons-le au passage) : la folie et l’inclination clairement burlesque du récit (rappelons qu’il raconte l’histoire d’un gentilhomme nommé Quichada qui, à force de lire des romans de chevalerie, perdit la raison et décida de vivre comme dans ses récits : il revêtit donc la vieille armure de son grand-père, découpa un heaume dans du carton et partit sur son vieux canasson « combattre les maux de ce monde pour rétablir la justice »), l’ironie dramatique (le rire se fait souvent aux dépens de Don Quichotte, doux dingue, et le dessin de Davis contredit souvent ce que l’autoproclamé chevalier pense voir ou dit) et même les récits digressifs des autres personnages enchâssés dans celui de Don Quichotte (enfin, quand celui-ci veut bien laisser la parole…).
Le résultat est tout simplement hilarant. L’humour de Davis transpire de partout. Des scènes, en premier lieu, bien sûr, qui voient Don Quichotte se battre contre des moulins à vent (la scène du récit que tout le monde connaît) qu’il avait pris pour des géants lui barrant la route, exterminer des moutons qu’il a confondus avec l’armée de renégats d’Alifanfaron ou encore mettre en fuite les participants (qu’il croyait être des vampires…Il faut dire que c’était la nuit et que Don Quichotte n’y voit plus grand chose…) à une procession funéraire. Des dialogues aussi, souvent percutants et teintés d’un humour qui sait se faire subtil (on a par exemple bien apprécié la métaphore du dernier coup de lime pour briser la chaîne de l’amour demandé par Anselme alors que sa femme, case suivante, s’envoie en l’air avec son meilleur ami). Et, enfin, du dessin, avec un trait qui n’a pas son pareil pour révéler ce que les personnages ont derrière la tête.
Un superbe coup éditorial pour Warum, éditeur indépendant souvent inspiré !
(Diptyque – Warum)