Esther Roblès et Anders Mikkeli ont réussi à prendre un Zeppelin au vol alors qu’il longeait la côte, en perdition, et que le sol se dérobait sous leurs pieds. Ils y ont rejoint 2 gamines, Louisa et Louissa, orphelines de naissance, un membre de la sécurité prénommé Zibbar et le pilote. C’était quelques jours auparavant sur une falaise de Tanger. Depuis, le Zeppelin a heurté un piton rocheux qui a pulvérisé une bonne partie de la nacelle de pilotage et emporté le pilote dans le vide. L’appareil est désormais en pilotage automatique et file droit devant lui vers l’inconnu…
Après l’élément aquatique (dans « Animal’z ») et l’élément terrestre (« Julia et Roem »), Bilal clôt sa trilogie comme il se doit en baladant cette fois ses protagonistes dans les airs. Tout en réservant une surprise de taille aux lecteurs : après quelques pages passées en compagnie des rescapés Esther et Anders, nous retournons dans l’eau puis sur la terre ferme pour retrouver les personnages des 2 opus précédents. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas dans une situation très favorable : après des heures de nage dans une mer glacée, Kim et Bacon ont trouvé une maison flottant sur l’eau pour se poser. Mais il faut maintenant enclencher le processus, risqué !, de déshybridation (Bacon a voyagé dans le corps d’un modèle de dauphin hybride tout droit sorti d’Owles Industries)… Quant à Ana et Lester, ils sont allongés et ligotés sur le dos de chevaux zébrés, prisonniers d’un cannibale…Car le chemin de tous les personnages va se croiser dans ce final aussi habile qu’ébouriffant !
Finalement, ce que Bilal met ici en images, c’est une idée, un avertissement : la revanche de la nature qui a décidé de reprendre possession de la Terre, trop longtemps laissée aux mains de l’Homme. On assiste donc à une réorganisation totale de notre planète : l’Humanité est mise à jour, les anciennes traces de guerre, de pollution ou de bétonnage sont effacées et la mémoire des êtres humains laissés en vie est reformatée pour une remise à zéro globale et un nouveau départ!
Certes, depuis que Bilal a changé sa façon de travailler, dessinant ses cases séparément et non plus par planche, la grammaire de ses récits a aussi évolué : les récitatifs sont plus nombreux et souvent plus longs (pour assurer le lien entre chaque dessin) et le rythme du récit s’en ressent. Mais graphiquement parlant, quel régal ! Chaque case est une pure merveille, dont le moindre détail est soigné. Que ce soit au début du récit quand le sombre règne et que Bilal utilise des crayons gras ou par la suite, quand les nuages se dissipent et que la couleur revient, en même temps que l’acrylique de l’auteur. Et, quand même, quel souffle elle a cette mise en garde écologique ! Peut-être le meilleur des 3 tomes de cette trilogie !
(Trilogie – Casterman)