ROMAN. Nord-ouest de l’Ontario. Evan peut être heureux : l’orignal qu’il vient de tuer va lui permettre, ainsi qu’à sa famille, avec la nourriture qu’il a déjà stockée, de tenir tout l’hiver. Enfin, normalement…Car quand la panne générale se produit (plus d’électricité, plus de réseaux…) et dure, la réserve d’Anichinabés doit s’organiser pour survivre au froid et à la pénurie de nourriture. D’autant que les nouvelles venant du sud ne sont pas bonnes : les grandes villes sont tombées dans le chaos et pillages et meurtres se multiplient. Ce qui pousse Justin Scott, un blanc venu de Gibson, à venir trouver refuge dans la réserve…
La Lune de l’âpre neige aura bien sûr du mal à éviter l’étiquette post-apocalyptique. Pourtant, cette panne généralisée qui sème le chaos dans la société capitaliste des pays occidentaux n’est finalement pour Waubgeshig Rice qu’un déclencheur qui lui permet de confronter cette tribu autochtone Anichinabée (dont il fait partie…) à la (triste) réalité : elle qui 2 générations auparavant vivait en harmonie avec la nature est désormais incapable de survivre à l’hiver sans les produits importés du sud (et donc des blancs) : les conserves, l’essence, l’électricité voire les cigarettes, l’alcool et la télévision…Pire, la plupart d’entre eux ne parlent plus la langue de leurs ancêtres et ne connaissent plus leurs coutumes, valeurs et croyances alors que ce sont elles qui pourraient justement les sauver…
Davantage que son côté thriller post-apocalyptique (la tension est souvent palpable mais le roman manque parfois un peu de rythme…), ce qui donne tout son sel à La Lune de l’âpre neige, c’est cette plongée édifiante dans la culture autochtone d’Amérique du Nord : son histoire (le déplacement des tribus par les blancs sur des terres inhospitalières qui n’étaient pas les leurs…), sa crise identitaire et la nécessité pour elle de retrouver ses racines pour redonner un sens à la vie de ses membres…Un roman à l’écriture et à la narration fluides qui construit une utopie (un retour à la nature des tribus autochtones) sur une dystopie (cette panne qui fait tomber notre société de blancs dans le chaos) pour faire entendre une voix littéraire différente, une voix autochtone. Une belle découverte.
(Récit complet, 304 pages – Les Arènes)