De C’était la guerre des tranchées à Putain de guerre en passant par La véritable histoire du soldat inconnu : cela fait une trentaine d’années que Tardi raconte l’horreur de la guerre et la barbarie des tranchées ainsi que l’hypocrisie et la culpabilité des groupes industriels qui se sont grassement nourris des profits de l’effort de guerre. Avec Le dernier assaut, il revient s’immerger une nouvelle fois dans les tranchées, aux côtés de ses grand pères (et de ceux de Grange), où ça pue « le vomis et la merde, et la viande brûlée, dont le fumet se mêlait à celui des tissus et des cuirs calcinés, à l’odeur acide du métal chauffé à blanc des armes automatiques, des corps des hommes et des bêtes, brûlés vifs, écrasés, écartelés, énucléés, démembrés, éventrés, éviscérés…monstrueusement mutilés » pour encore dénoncer l’absurdité de ces combats et pointer du doigt les coupables. Mais aussi pour laisser une trace de la série de concerts dessinés donnés avec sa femme Dominique Grange et le groupe Accordzéâm après la sortie du diptyque Putain de guerre. Ce nouveau récit est d’ailleurs accompagné d’un cd regroupant 14 morceaux signés par la même équipe qui prolonge la lecture de Le dernier assaut. A moins que ce ne soit la bande dessinée qui mette en images les chansons, cd et récit faisant partie intégrante du même projet ! Une initiative aussi originale que réussie puisqu’une fois que l’on a été éprouvé par les dessins et le ton très ironique, et même sarcastique, de Tardi, ce sont les textes âpres et durs et la tristesse des morceaux (dans une veine chanson réaliste, avec notamment un très joli Des hauts débats, instrumental touchant qui rappelle Yann Tiersen, avec son accordéon) qui finissent de nous retourner, tout en rendant hommage à tous ces poilus souvent morts dans d’atroces souffrances, sans savoir pourquoi…
En tout cas, Tardi prouve une nouvelle fois ici, en nous faisant suivre les errances du brancardier Augustin du 98e R.I. parmi les lignes de front (ce qui lui permet d’évoquer les artilleurs nègres mais aussi indiens, portugais ou australiens que France et Royaume-Uni ont obligé à combattre, souvent en première ligne !, pour eux, l’apparition des gaz ypérites parmi les tranchées, les différentes méthodes d’automutilation pour tenter d’échapper aux combats, les pelotons d’exécution ou l’inconsistance de l’état major français), qu’il n’a pas son pareil pour restituer toute l’horreur de la guerre. Du grand art.
(Récit complet + cd – Casterman)