Le monde à l’envers. Voilà comment le récit s’ouvre. Avec le ciel en bas et les montagnes en haut. C’est bien sûr loin d’être fortuit ! Le message des auteurs est clair : on peut s’attendre à tout avec L’odeur des garçons affamés. A tout sauf à un western classique ! Car oui ce nouveau récit de Loo Hui Phang et Frederik Peeters est bien un western avec paysages rocailleux magnifiques du far west, indiens, mustangs et blancs venus faire des repérages dans cet ouest encore sauvage pour mieux ensuite le conquérir en privant les Comanches de leurs terres. Mais il y a aussi ici un démon suceur de sang déterminé à ramener Miss Eggleston à Somerset pour qu’il l’épouse, un indien fantôme qui rôde et veille au bon déroulement des évènements ou une fille déguisée en garçon qui a le pouvoir de commander aux chevaux. Bref, de la sorcellerie de sauvage…
Loo Hui Phang et Peeters se sont rencontrés grâce à Atrabile puisqu’ils ont tous les deux travaillé (et même commencé chez lui, si mes souvenirs sont bons…) avec l’éditeur indépendant suisse. Ils avaient décidé il y a quelque temps déjà de faire un livre ensemble. Plusieurs années plus tard, et alors que Peeters avait presque oublié ce qu’ils s’étaient dits, Loo Hui Phang lui a apporté le scénario de L’odeur des garçons affamés. Du sur mesure pour l’auteur de Koma ou Aâma que ce western détourné et perverti progressivement par le fantastique ! Car si tout paraît normal de prime abord (même si la tension qui règne entre les personnages -Stingley, qui a loué les services du photographe Forrest et du jeune fermier Milton, est hautain et constamment méprisant avec eux- est palpable dés le début), il y a des signes qui ne trompent pas (l’indien bizarre qui apparaît sans crier gare ou le cow boy à tête de mort-vivant qui rôde continuellement autour de leur campement) et qui annoncent la tempête chamanique qui emportera tous les personnages, et nous avec, sur son chemin pour une fin aussi magistrale qu’hallucinée. Entre temps, il y aura eu beaucoup d’autres choses dans le récit : le désir irrépressible d’Oscar pour le jeune Milton, l’avidité des blancs (symbolisés bien sûr ici par l’ingénieur Stingley) ou le génocide programmé des indiens.
Imprévisible, original, critique et visuellement très réussi : L’odeur des garçons affamés a tout pour plaire. Mais ça on s’en doutait un peu…Très recommandé !
(Récit complet – Casterman)