[Supersonic, Paris, mercredi 21 septembre 2022]
Spill Gold, l’un des secrets les mieux gardés des pays-bas. Encore ce soir, les hasards du calendrier n’ont pas aidé : le duo était programmé le même soir que Enablers, qui jouait littéralement dans le bâtiment d’à côté (et oui le Supersonic possède maintenant deux bâtiments côte à côte). Bien évidemment, beaucoup de copains avaient choisis de soutenir les Américains. Pourtant la découverte valait le déplacement.
De mon côté, j’arrive peu de temps avant que Spill Gold entame son set, et je loupe les deux groupes de première partie. Juste le temps de parler avec Adrien du Gospel, débarqué de Bordeaux quelques heures auparavant, que les hollandaises sont déjà en train d’installer leur matos sur scène. A gauche, la batterie, à droite les synthés, au centre, quelques cymbales bouddhistes (pour un interlude ambient). Derrière, Nina de Jong et Rosa Ronsdorf, anciens membres de Bird on the Wire, en combinaison moulante (or pour l’une, et bleu pour l’autre). Le tableau est planté. Le set va pouvoir débuter.
Seraient-ce les dreadlocks, ou l’envie de faire danser avec ses rythmiques aux grooves étriqués mais imparables, je ne sais pas, mais je me mets à voir en Spill Gold ce qu’aurait été les Slits en 2022. Point de reggae ici, mais un mix terriblement personnel entre synth-wave froide, krautrock, percussions polyphoniques (que l’on trouvaient aussi dans Bird on the Wire), post-punk, dream-pop et un dépouillement minimaliste étonnant. Une chose est sûre, ces deux-là vous donnent rapidement l’envie d’onduler plutôt que de sauter sur place. Pourtant Spill Gold n’est pas là pour transformer le club en boite de nuit. On est très loin de toute vulgarité du genre. Ici l’organique prend le dessus (même les synthés restent analogiques), et le nuage sombre de la coldwave ne laissera guère passer le soleil. Spill Gold reste un soldat de l’étrange (pas un hasard de les retrouver sur le label Knekelhuis, chez qui on retrouve aussi les excellents De Ambassade). Peu de communication avec le public, peu de sourire, peu de folie. Je ressens peut-être un peu de stress derrière les claviers, mais peu importe. Malgré l’effet sur la voix que je trouve un peu fort, le set se déroule sans accrocs, et embarque la moitié de salle présente dans cette transe étrange dans laquelle se télescope inévitablement la chaleur et le glacial. Du grand art au niveau des attentes que nous pouvions légitimement avoir après l’écoute de leur dernier et génial album Highway Hypnosis. Emotion garantie.