BD. C’est l’été. Albert, Francis et Edouard n’ont plus que 2 semaines avant de commencer leurs études de droit, de commerce et Saint-Cyr. Et ils entendent bien en profiter à fond. D’autant qu’ils ont les résidences secondaires de leurs parents pour eux tout seuls. Mais la rencontre de la belle Odette un soir sur la plage va changer leurs plans. Un peu plus vieille qu’eux et surtout plus délurée, la belle jeune femme va profiter de l’attrait qu’elle exerce sur les garçons pour les associer, sans qu’ils le veuillent vraiment, à ses cambriolages de maisons bourgeoises…
Un nouveau Rabaté, c’est toujours un petit événement. Et surtout l’assurance de passer un grand moment de lecture. C’est une nouvelle fois le cas avec Sous les galets la plage qui confronte 2 mondes qui ne sont a priori pas faits pour se rencontrer. Une France conservatrice et rétrograde (nous sommes en 1962), qui rejette, entre autres…, l’homosexualité et pense que la France a accompli une mission civilisatrice en colonisant l’Afrique, symbolisée par les 3 garçons et leurs familles bourgeoises (on porte du Lacoste et on se vouvoie entre parents et enfants…). Et une France d’en bas, moins chanceuse (la mère d’Odette a été tondue et violée par des résistants à la fin de la guerre pour avoir eu une relation amoureuse avec un allemand et l’un de ses 2 acolytes, avec son oncle, Edmond, a perdu ses 2 parents dans des bombardements et a dû se prostituer pour survivre…) et délaissée qui, pour s’en sortir, déleste de riches familles des meubles de leurs résidences secondaires qu’ils revendent ensuite. Mais le plan d’Odette va bien sûr tout changer. Albert va tomber amoureux d’elle et, surtout, ses certitudes (suivre la voie tracée par son père et faire Saint-Cyr pour avoir la même carrière militaire que lui, par exemple…) vont vaciller…
Une chronique sociale que Rabaté conte avec beaucoup de talent. De son trait simple mais efficace (ici rehaussé d’aplats de couleurs pastels qui restituent parfaitement l’ambiance des années 60), il met en scène, à l’aide d’une narration d’une grande fluidité, la prise de conscience d’Albert avec l’humanisme qu’on lui connaît, épinglant les travers racistes, sexistes et financiers de cette France bourgeoise tout en dédouanant Odette et ses comparses (les 2 citations proposées en guise d’introduction au récit, dont celle d’un inconnu : « Avoir une résidence secondaire, c’est du vol aggravé », sont, à ce sujet, éloquentes) en rappelant ce qu’ils ont connu dans leur enfance. Un beau récit, sur lequel souffle un fort vent libertaire, qui appelle la nouvelle génération à se révolter contre patriarcat et pratiques rétrogrades de ses parents !
(Récit complet, 150 pages – Rue de Sèvres)