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SUPER-HEROS DE TROISIEME DIVISION (Yu)

NOUVELLES. La nouvelle est un genre sous-estimé en France alors qu’aux Etats-Unis ou dans d’autres pays anglophones, l’art de la « short story » est au contraire prisé, quasiment tous les grands auteurs s’y essayant à un moment ou à un autre de leur carrière, probablement attirés par le défi que représente le fait de parvenir à capter l’attention du lecteur en quelques pages seulement. Voire, mieux, à le surprendre, à le bousculer ou à le toucher…Ce que Charles Yu, actuellement l’un des scénaristes des séries TV Westworld et Here and Now ! (d’Alan Ball, à qui l’on doit l’excellente série Six Feet Under), réussit indéniablement à faire dans Super-héros de troisième division.
Un homme, Humidito, qui veut intégrer la classe des super-héros mais n’est jamais retenu parce que son pouvoir (il a le pouvoir de condensation et peut donc absorber l’eau dans l’atmosphère) n’est pas assez important (Super-héros de troisème division) ; un homme coincé dans sa vie qui n’est pas si mal (il est marié à Jolie Fille, vit à Variante-de-Ville-Utopique et peut même se payer des vacances Expériences Authentiques) alors qu’il voudrait vivre une vie qui ne se résume pas à ça (Plan épargne-retraite) ; un acteur qui joue Moi dans une sitcom à succès et continue de travailler pour être un meilleur Moi, en tout cas pour être meilleur que celle qui joue Ma Mère (Mes derniers jours en tant que Moi) ; un homme qui se rend compte qu’il n’est pas vraiment lui-même et commence à observer ce David Howe dont il partage le corps ainsi que la femme et les amis (L’homme qui devient lui-même) : l’univers de ce jeune auteur est étrange, mélancolique et souvent absurde (pas étonnant d’ailleurs que Yu fasse un clin d’œil à Kafka dans Réalisme). Personnages impuissants (face au temps qui passe ou à la difficulté de vivre la vie qu’ils voudraient), qui se rendent compte qu’ils ne sont pas ceux qu’ils pensaient être ou que leur compagne/compagnon est un étranger après 20 ans de vie commune, qui ne sont que des joueurs parmi d’autres dans le vaste jeu (social, notamment) qu’est la vie : les récits de Yu surprennent et bousculent, et peuvent même susciter le malaise avec ces miroirs grossissant qu’il nous tend, nous renvoyant à nous-mêmes et à ce que l’on peut ressentir parfois.
Ecrire pour réfléchir au sens de la vie et au rôle que l’on est amené à y jouer (la vie des personnages de Mes derniers jours en tant que Moi ne se résument d’ailleurs qu’au rôle qu’ils jouent dans une sitcom…) : pas vraiment des plus original, me direz-vous. C’est vrai mais, par contre, je peux vous assurer que la façon, très singulière (peut-être trop par moments car certains récits déconcertent vraiment) dont Yu le fait l’est, originale. Un style iconoclaste qui fait que l’on sait d’emblée, dés les premières pages, si l’on va aimer ou pas. A découvrir !

(Aux Forges de Vulcain)

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