Dans la petite bible de l'activiste Berlinois qu'est le Stressfaktor,
il est frappant de voir le nombre de Soli-Party (en abréviation
de solidarité), Soli-Démo en soutien à des causes
antiracistes, antifascistes, anti-répression policière
sur-dimensionnée, anti-guerres, anti-atomique, anti-discriminations,
anti-patriarcat, ...
A la différence d'une France qui lève le poing en réaction
à des propositions de loi, des décrets ou autres initiatives
politiques jugées contraire un idéal humaniste, le militant
allemand ne joue pas tout à fait sur le même front que
les syndicats et prend ses banderoles et son mégaphone pour d'autres
sujets.
Par conséquent, la scène antifasciste représentée
en France par quelques associations est ici alimentée par nombre
de collectifs organisés par quartier ou par ville et les manifestations
qu'ils organisent sont autrement plus nombreuses.
D'une série de questions que j'avais posées à Mathias,
activiste du mouvement Antifa de Göttingen dans les années
90', il n'est malheureusement rien ressorti, faute de réponses
de sa part malgré mes relances nombreuses. Les autres antifas
avec qui j'ai pris contact sont réticents aux interviews, trop
habitués à voir leur discours faussement interprêtés.
Jule de la Mobile Beratung gegen Rechtsextremismus de Berlin a finalement
accepté.
Histoire du mouvement Antifa
A l'origine issue de l'Italie Mussolinienne, et adoptés par les
allemands alors que Hitler commençait son ascension politique,
le but est d'entre autre d'empêcher la propagation des idées
d'extrême droite.
Dans les années 80, le mouvement fait son retour et devient indissociable
du mouvement autonome. A partir de 1990, il se développe avec
la création à Göttingen des Autonomen Antifa qui
plus tard, s'organiseront à l'échelle de toute l'Allemagne.
Aujourd'hui, il est impressionnant de voir le nombre de collectifs,
locaux d'information qui fait aussi bien souvent office salle de réunions
et librairie, groupes de gauche, bureaux d'aide et de soutien, journaux,
radio, maisons d'édition... que contient l'annuaire de l`agenda
édité depuis quelques années par le mouvement.
Faire cet article sur le mouvement Antifa allemand avait pour moi 3
éléments déclencheurs outre ma sensibilité
politique à ces questions :
- "la Neue Deutsche Welle" -1- et le nouveau patriotisme allemand
qui s'est manifesté pendant la coupe du monde en juin 2006,
- l'entrée du NPD (National Partei Deutschland, parti néo-nazi
allemand) dans des parlements régionaux et locaux,
- l'approche du G8 de Heiligendamm (juin 2007).
"Neue Deutsche Welle"
L'Allemagne peut-elle développer un sentiment patriotique naturel,
sain et non-agressif (à la différence du nationalisme)
au regard de son histoire ? C'est la question que ce sont posée
les Antifa pendant la dernière Coupe du monde allemande.
L'Allemagne
commence le tournoi sans réel soutien populaire. Les fans de
foot regarderont le foot, les autres iront se baigner au lac, comme
toujours. Le sélectionneur allemand est brancardé dans
la presse, les joueurs sont meilleurs au baby-foot, bref, les critiques
fusent.
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Mais l'équipe
joue et est toujours présente à mesure que le tournoi
avance et l'intérêt populaire s'accroît. Ca s'est
passé en France en 98, ça s'est passé au Japon
plus tôt et en Italie encore avant. Rien d'exceptionnel me direz-vous...
Euh... si.
Les drapeaux allemands fleurissent au fenêtres, leurs vendeurs
sont depuis partis en vacances longue durée tant leur commerce
était prospère. Le patriotisme allemand est bel est
bien là. Mais est-il dangereux? Comment l'interpréter?
Est-ce un premier pas vers l'extrême droite, l'émergence
d'une nouvelle position conservatrice ou alors un sentiment qui va
et ira toujours de pair avec le sport (le supporteur est pour l'équipe
qui représente son pays et le montre par la couleur de la teinture
de ses cheveux, sa perruque afro, son tee-shirt ou ses sous-vêtements).
"Le nationalisme est la construction du nous", dit Jule
de la Mobile Beratung gegen Rechtsextremismus de Berlin, "la
construction d'un commun, d'une communauté. Quand le nous créé
recherche la domination de l'autre, cela devient du patriotisme".
Brise
un tabou
L'extrême droite est devenu un mouvement social. Ce ne sont
plus seulement des partis politiques ou des pantins perdus dans leur
détresse personnelle. Aujourd'hui, et depuis plusieurs années,
les idées d'extrême droite et néo-nazies sont
véhiculées par des associations, des collectifs, des
groupes de musiques et quelquefois par des événements
sportifs comme celui qui a eu lieu récemment en Allemagne.
La définition devient floue, le visage du militant aussi, et,
par conséquent, les moyens pour les combattre de plus en plus
difficiles à déployer.
L'extrême droite aux parlements régionaux et locaux
"Pour autant, aucun amalgame n'est à faire entre cet élan
patriotique et l'entrée aux élections régionales
et locales dernières de représentants du National Partei
Deutschland (NPD) dans 2 parlements régionaux (Mecklenburg-Vorpommern,
Sachsen-Anhalt) et dans 4 parlements de quartier (Lichtenberg, Treptow-Köpenick,
Marzahn-Hellersdorf), le tabou de l'extrême droite allemande
est bel et bien brisé et le Parti a gagné beaucoup d'argent
qui lui permet une présence accrue", continue Jule.
Le NPD a été aidé pendant la campagne électorale
par des groupuscules néo nazis qui avaient pourtant été
interdits à Berlin en 2005 mais des membres encore actifs se
sont clandestinement regroupés, ont organisé des manifestations
et des campagnes d'affichages. Et, "il y a deux-trois mois, les
groupuscules néo nazi ont fait pression auprès de la
fraction du NPD (Ndlr: à partir de 3 représentants d'un
parti représenté au parlement, une fraction est créée)
pour obtenir, en contrepartie de leur aide pendant la campagne électorale,
un financement pour l'ouverture d'un centre de jeunes". Ainsi,
les néo nazis sont passés de la rue au Parlement par
l'intermédiaire du NPD.
[gildas]
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LOKALES**
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Faits divers
Göttigen
J'étais
à la manifestation de samedi 13 mai 2006 à Göttingen.
L'appel lancé pour cette manifestation était d'empêcher
une manifestation néo-nazie. Parce que nous étions environ
20 fois plus nombreux qu'eux, ils ont dû se satisfaire d'un rassemblement
sur le parvis de la gare avant d'être invités à
reprendre la train vers chez eux.
Je n'aurai vu aucun néo-nazi (et c'est tant mieux) mais j'aurai
vu des policiers en nombre impressionnant. Le cortège était
accompagné par deux rangs de policiers casqués, armés
de matraque et de cameras, ceinturés de bombes lacrymogènes...
Un déploiement qui m'a paru un peu sur-dimensionné.
La deuxième remarque que je me suis faite est le degré
de provocation dont la police a fait part à l'égard des
manifestants. Régulièrement, les policiers qui marchent
à côté des manifestants baissent la visière
de leur casque, s'affolent et courent à la queue leu leu en direction
de l'avant du cortège de manifestants. L'effet produit est immédiat
: tout le monde pense qu'il se passe quelque chose à l'avant
du cortège (échauffourées avec la police, rencontre
avec quelques militants d'extrême droite échappés
de leur réserve...) et se crispe un petit peu plus. En fait,
il n'en est rien. Les messages au mégaphone répètent
que tout du long du cortège, tout est clame et qu'il ne s'agit
que de provocations policières auxquelles il ne faut pas répondre.
La troisième remarque, qui est en fait une difficulté,
arrive en fin de manifestation. Ce cordon policier devient un barrage
infranchissable, les manifestants se retrouvant ceinturés. Pour
sortir, il faut montrer patte blanche et surtout subir le bon vouloir
du policier qui est en face. Quelques personnes franchissent le barrage
mais quand ton tour arrive, ce n'est plus un lieu de sortie. La sortie
est désormais à l'autre bout. Tu y vas mais il se ferme
juste devant toi. Tu en trouves un autre qui lui aussi se ferme. La
technique de dispersion des manifestant est simple : filtrer les manifestants
au compte-goutte pour éviter que la manifestation ne reprenne
une fois le cordon policier passé. Montrer ses papier d'identité
permet aussi de passer le cordon plus vite...
[gildas]
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