En juin dernier, Mme Merckel invitait, quelques jours, les chefs
d’Etat des 8 plus grandes puissances industrialisées du
monde à se retrouver à Heiligendamm. Heiligendamm, petite
station balnéaire de la mer Baltique très à la
mode dans les années 20, se dévoilait au monde entier
à l’occasion de cette rencontre. Mais très subrepticement
parce qu’encore une fois les 8 étaient bien protégés
des hurlements (de faim, de soif, de pauvreté, de chômage…)
du monde extérieur.
Retour sur un G8 en terre allemande. Le dernier peut-être…

Printemps berlinois
La scène autonome allemande a passé un printemps surchauffé.
Ça avait pourtant commencé par un 1er mai plutôt
bon enfant. Rendez-vous annuel de toutes les revendications : plus
de travail, moins de flics, plus de pêche aux canards…
Quelques jours plus tard, la pression montait d’un cran :
le Köpi, le plus grand squat de Berlin, était mis aux enchères.
On avait senti le coup venir : construire un foyer pour personnes
âgées en mitoyen à un squat où il se passe
quelque chose de sonore 6 jours sur 7 reste la meilleure façon
de le fermer. Construire un centre commercial, un nouveau pont dans
une zone d’entrepôts et de vielles fabriques est la meilleure
façon de donner de la valeur à un quartier. La gentryfication
de Berlin progresse.
Quelques jours plus tard, ce sont des perquisitions, sans mandat, chez
des individus et dans des squats à Hambourg et à Berlin
qui font monter la température de quelques degrés supplémentaires.
Les flics étaient à la recherche d’éventuelles
informations sur des actions terroristes pendant le G8. Ils repartiront
avec la collection complète des épisodes de Derrick, saison
3.
Tous attendaient donc la première semaine de juin avec la plus
ferme impatience : les Danois venus protester contre la destruction
de Ungdomshuset, les Italiens toujours pas remis de la mort de Carlo
Giuliani, les Allemands verts de se faire ainsi provoquer.
Mais Rostock (grande ville la plus proche où avait lieu les protestations)
ne devait pas seulement être le rassemblement des autonomes européens
mais aussi de représentants d’ONG, de syndicats, d’associations
de lutte pour un monde plus vert, plus juste ou tous vivraient en paix
et en harmonie et loin des malversations et autre pollutions chimiques.
Tout rassemblement n’était pourtant pas été
facilité. Autour de Heiligendamm, était érigée
une barrière électrifiée de 12 kilomètres
de long et 2,50 mètres de haut. 17.000 policiers avaient été
invités à assurer la sécurité des Merckel,
Poutine, Bush et autre Sarkozy et les manifestations prévues
était annulées, sur ordre de la police, au fur et à
mesure que leur date approchait.
Le
G8
Néanmoins, près de 80.000 personnes ont réussi
à rejoindre Rostock le samedi 1er juin pour pointer du doigt
l’absence de légitimité d’une telle rencontre.
En quoi cette rencontre est illégitime ? Les 8 (Allemagne,
Canada, Etats-Unis, Italie, Japon, France, Royaume-Uni, Russie) représentent
à eux seuls 15% de la population mondiale, 40% des droits de
vote à la Banque Mondiale et 66,5% de l’économie
mondiale. Une telle concentration des pouvoirs et des richesses peut-elle
donner un avis clair sur l’avenir du monde ?
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Même si
ses participants sont des personnes élues démocratiquement,
ils n’ont aucune légitimité à prendre des
décisions ou à définir des orientations, réunies
sous cette forme. Elles peuvent certes « identifier les
mesures à prendre sur les grandes questions touchant à
la mondialisation et favoriser leur mise en œuvre dans les organisations
internationales compétentes » (selon la définition
que se donne le G8) mais dans ce cas-là, pourquoi le débat
n’aurait-il pas lieu directement dans ces « organisations
internationales compétentes » ?
De cette rencontre informelle, mais néanmoins annuelle, sort
un agenda de mesures d’aide au développement des pays
du Sud, pour des mesures de lutte contre le changement climatique,
pour l’installation d’un bouclier anti-missile en Tchéquie
ou en Pologne… Toute une série d’annonces qui n’ont
pas à être respectées mais qui sont une preuve
de l’altruisme des plus grands.
Vers où ?
Encore une fois, la Brigade des clowns a fait son petit effet. Il
n’y avait plus seulement attac et le porteur de drapeau du parti,
retraité du régime d’Etat mais tout un panel représentatif
des luttes européennes.
Cette semaine de juin 2007, à Rostock, la contestation de cette
réunion a pris des formes variées : des manifestations,
des blocages des deux routes d’accès à Heiligendamm,
des conférences, des concerts, des expositions et des messes.
Jamais avant cela en Allemagne, le spectre politique et militant réuni
pour la contestation d’un G8 n’a jamais été
aussi vaste. Pour la première fois, l’Eglise coopérait
avec un groupe anarchiste et Via Campesina côtoyait le syndicat
allemand Ver.di. Au total, près d’une centaine d’organisations
coopérait à cet événement.
Par ailleurs, même si les violences ont été très
relayées nationalement et internationalement, celui qui était
sur place a bien vu que leur place dans les médias a été
largement exagérée. Certes, si le samedi en fin d’après-midi,
la scène rappelait les pires moments de Seattle ou Gênes,
dès le dimanche matin, les rassemblements pacifistes et constructifs
reprenaient le dessus pour durer jusqu’à la fin de la
semaine.


Mais vers où
va-t-on ? Alors que Sarkozy nous affole avec des mesures magiques
pour provoquer la « rupture ». Alors que Poutine
et Bush sont à deux doigts de se taper dessus et de repartir
vers une deuxième guerre froide. Alors que l’UE remet
au goût du jour un projet de constitution non contente de l’échec
du premier, la contestation, sous quelque forme soit-elle, peut paraître
un peu vaine. Contre qui ? Contre ce rouleau compresseur inexorable,
contre ces huit pays, contre les multinationales qui les soutiennent ?
La Brigade des clowns s’accroche à son idée de
changer le monde par l’humour, se protège des sprays
au poivre d’un nez rouge et continue à tourner en ridicule
tout ce qui pourrait ressembler à des excès d’autorité.
[gildas]
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