Steh Auf Berlin (Debout Berlin), est une chronique de la vie sociale, culturelle et politique berlinoise. Elle a pour but de nous faire découvrir cette ville de l'intérieur, de nous faire voyager, de nous faire comprendre ce qui passe dans cette capitale différente des autres.

#7 STRIKE BIKE
DÉCEMBRE.2007

Production de vélo
dans une usine occupée

C’est une histoire comme il y en a tant dans une société de marché mondialisée. Une histoire où des ouvriers perdent leur outil de travail pour des raisons d’objectifs de rentabilité non atteints. Une histoire où des syndicats anarchistes rêvent de faire la nique au grand capital et à faire reprendre en chœur l’Internationale à des prolétaires qui subissent leur sort. Une histoire qui montre que des alternatives sont possibles, que la solidarité existe, que les vélo rouges, ça pète et que le vélo en Allemagne, c’est sacré.
C’est l’histoire d’une marque, Biria, qui fabrique des bicyclettes. C’est l’histoire de deux entreprises allemandes qui travaillent pour cette boîte américaine. Une à Neukirch, l’autre à Nordhausen.
C’est l’histoire d’une société d’investissement texane (Lone Star) qui regarde de près si les objectifs de rentabilité de son groupe satisfont ses actionnaires et si non, on ferme.

Comme sur des roulettes
Et puis voilà, on ferme.
Les deux entreprises allemandes ne répondaient pas aux objectifs fixés par les actionnaires du groupe Lone Star dont dépendait Biria alors la menace de la fermeture qui pesait sur elles est devenue une réalité. Intéressée pour reprendre l’affaire, la « Mitteldeutsche Fahrradwerke AG » (MIFA), a créé une entreprise ad hoc pour accumuler les liquidités nécessaires au rachat de ces deux entreprises. En décembre 2006, les status de « Gatus 233. GmbH » sont déposés à Berlin et en janvier suivant, l’entreprise est enregistrée.
Mais alors que tout paraît simple pour qui est familier des fermetures, rachats, fusion-acquisition et autre plan de reclassement, l’histoire des vélos allemands se complique et les enjeux deviennent peu clairs.
Quel est le rôle réel de « Gatus 233 » dans cette histoire ? Doit-elle réellement permettre le rachat des deux entreprises de vélo par la MIFA ou est-elle une société écran permettant le rapprochement de Lone Star à la MIFA ?
Dans tous les cas, Lone Star reçoit de cet échange, comme remerciement préalable pour cet arrangement, 25% du capital de MIFA et l’entreprise de bicyclette Biria devient le parent pauvre de cet histoire et doit désormais rembourser 5,2 millions de subventions publiques - même si le détenteur actuel de l’entreprise est Lone Star.
Si la tentative d’explication paraît peu claire, reportez vous sur ce petit schéma qui se trouve sur le site de l’usine occupée. Tout s’éclaircira alors.
La mise en faillite de l’entreprise est annoncée le 10 août 2007 et 330 emplois au total sont menacés.

Grain de sable dans la chaîne
L’usine fonctionne alors au ralenti, les ateliers sont quasiment vides, le personnel reçoit une indemnité de chômage technique et espère qu’un nouvel investisseur avec un nouveau projet va se manifester. Lone Star s’intéresse à plus gros poisson. Biria s’est déjà fait mangé. Il ne reste plus grande possibilité.
Sauf celle d’organiser le travail par soi-même et de montrer que l’usine peut fonctionner sans l’aide d’un investisseur. Et la résistance s’organise. Le personnel (135 personnes) occupe pendant tout l’été (à partir du 10 juillet) les trois sites de l’usine du sud des montagnes du Hars, à Nordhausen. Ils veulent ainsi empêcher le démantèlement définitif des machines et la vente de l’usine.
Le syndicat anarchiste FAU (Freie ArbeitInnen Union) vient en soutien à l’occupation, des visiteurs solidaires viennent et des discussions s’instaurent avec comme idée centrale, celle de reprendre l’usine en auto-gestion, au moins pour quelques mois, en évitant ainsi l’évacuation des dernières machines.
Le projet est lancé et la condition pour rendre le projet viable est d’obtenir la commande ferme de 1800 vélos avant le 2 octobre 2007. Le vélo s’appelle Strike Bike. Il est rouge, forcément, et le chat anarchiste est peint sur la tête de guidon en noir.

D’autres serrures sont possibles
L’appel est relayé, les commandes commencent à affluer des quatre coins du monde : d’Allemagne et d’ailleurs en Europe bien sûr mais aussi de Tel-Aviv, de Johannesburg, du Caire, des Etats-Unis et du Canada.
Au total, ce sont 1837 commandes qui sont passées et la chaîne de production peut être relancée pendant 5 jours, entre le 22 et le 26 octobre. Les 135 occupants reprennent leur poste pour un salaire égal pour tous : 10 euros de l’heure, peu importe qu’ils soudent, peignent ou s’occupent de répondre aux commandes.

L’auto–production des vélos est donc possible. L’auto-fiancement aussi à travers des campagnes de solidarités.
Malheureusement, après une fête pour fêter ça les 30 et 31 octobre, le 1er novembre un huissier vient changer toutes les serrures de et le 5 novembre dernier commençait le reclassement des anciens salariés.

[gildas]

 

 

 

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