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Steh Auf Berlin
(Debout Berlin), est une chronique de la vie sociale, culturelle
et politique berlinoise. Elle a pour but de nous faire découvrir
cette ville de l'intérieur, de nous faire voyager, de nous faire
comprendre ce qui passe dans cette capitale différente des autres. |
Production
de vélo
dans une usine occupée
C’est une histoire comme il y en a tant dans une société
de marché mondialisée. Une histoire où des ouvriers
perdent leur outil de travail pour des raisons d’objectifs de
rentabilité non atteints. Une histoire où des syndicats
anarchistes rêvent de faire la nique au grand capital et à
faire reprendre en chœur l’Internationale à des prolétaires
qui subissent leur sort. Une histoire qui montre que des alternatives
sont possibles, que la solidarité existe, que les vélo
rouges, ça pète et que le vélo en Allemagne, c’est
sacré.
C’est l’histoire d’une marque, Biria, qui fabrique
des bicyclettes. C’est l’histoire de deux entreprises allemandes
qui travaillent pour cette boîte américaine. Une à
Neukirch, l’autre à Nordhausen.
C’est l’histoire d’une société d’investissement
texane (Lone Star) qui regarde de près si les objectifs de rentabilité
de son groupe satisfont ses actionnaires et si non, on ferme.

Comme
sur des roulettes
Et puis voilà, on ferme.
Les deux entreprises allemandes ne répondaient pas aux objectifs
fixés par les actionnaires du groupe Lone Star dont dépendait
Biria alors la menace de la fermeture qui pesait sur elles est devenue
une réalité. Intéressée pour reprendre l’affaire,
la « Mitteldeutsche Fahrradwerke AG » (MIFA),
a créé une entreprise ad hoc pour accumuler les liquidités
nécessaires au rachat de ces deux entreprises. En décembre
2006, les status de « Gatus 233. GmbH » sont déposés
à Berlin et en janvier suivant, l’entreprise est enregistrée.
Mais alors que tout paraît simple pour qui est familier des fermetures,
rachats, fusion-acquisition et autre plan de reclassement, l’histoire
des vélos allemands se complique et les enjeux deviennent peu
clairs.
Quel est le rôle réel de « Gatus 233 »
dans cette histoire ? Doit-elle réellement permettre le
rachat des deux entreprises de vélo par la MIFA ou est-elle une
société écran permettant le rapprochement de Lone
Star à la MIFA ?
Dans tous les cas, Lone Star reçoit de cet échange, comme
remerciement préalable pour cet arrangement, 25% du capital de
MIFA et l’entreprise de bicyclette Biria devient le parent pauvre
de cet histoire et doit désormais rembourser 5,2 millions de
subventions publiques - même si le détenteur actuel de
l’entreprise est Lone Star.
Si la tentative d’explication paraît peu claire, reportez
vous sur ce petit schéma
qui se trouve sur le site de l’usine occupée. Tout s’éclaircira
alors.
La mise en faillite de l’entreprise est annoncée le 10
août 2007 et 330 emplois au total sont menacés.
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Grain
de sable dans la chaîne
L’usine fonctionne alors au ralenti, les ateliers sont quasiment
vides, le personnel reçoit une indemnité de chômage
technique et espère qu’un nouvel investisseur avec un
nouveau projet va se manifester. Lone Star s’intéresse
à plus gros poisson. Biria s’est déjà fait
mangé. Il ne reste plus grande possibilité.
Sauf celle d’organiser le travail par soi-même et de montrer
que l’usine peut fonctionner sans l’aide d’un investisseur.
Et la résistance s’organise. Le personnel (135 personnes)
occupe pendant tout l’été (à partir du
10 juillet) les trois sites de l’usine du sud des montagnes
du Hars, à Nordhausen. Ils veulent ainsi empêcher le
démantèlement définitif des machines et la vente
de l’usine.
Le syndicat anarchiste FAU (Freie ArbeitInnen Union) vient en soutien
à l’occupation, des visiteurs solidaires viennent et
des discussions s’instaurent avec comme idée centrale,
celle de reprendre l’usine en auto-gestion, au moins pour quelques
mois, en évitant ainsi l’évacuation des dernières
machines.
Le projet est lancé et la condition pour rendre le projet viable
est d’obtenir la commande ferme de 1800 vélos avant le
2 octobre 2007. Le vélo s’appelle Strike Bike. Il est
rouge, forcément, et le chat anarchiste est peint sur la tête
de guidon en noir.
  
D’autres
serrures sont possibles
L’appel est relayé, les commandes commencent à
affluer des quatre coins du monde : d’Allemagne et d’ailleurs
en Europe bien sûr mais aussi de Tel-Aviv, de Johannesburg,
du Caire, des Etats-Unis et du Canada.
Au total, ce sont 1837 commandes qui sont passées et la chaîne
de production peut être relancée pendant 5 jours, entre
le 22 et le 26 octobre. Les 135 occupants reprennent leur poste pour
un salaire égal pour tous : 10 euros de l’heure,
peu importe qu’ils soudent, peignent ou s’occupent de
répondre aux commandes.
L’auto–production des vélos est donc possible.
L’auto-fiancement aussi à travers des campagnes de solidarités.
Malheureusement, après une fête pour fêter ça
les 30 et 31 octobre, le 1er novembre un huissier vient changer toutes
les serrures de et le 5 novembre dernier commençait le reclassement
des anciens salariés.
[gildas]

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