BD. Ismaël Tayeb a su profiter de la chance qui lui était offerte. Le petit voyou qui faisait dans les jeux d’arcades trafiqués ou le racket est passé à la vitesse supérieure quand « Dieu le père », l’un des plus gros caïds français, lui a mis le pied à l’étrier en le présentant au Cheikh Najim, un narco-djihadiste. Quand ce dernier lui a passé commande de matériaux radioactifs, Tayeb s’est engagé à le livrer. Avec une idée en tête pour se fournir : mettre la main sur la pile atomique de l’Atlas George Sand, un robot géant mis au point par la France dans les années 60 pour construire bâtiments et infrastructures en Algérie (De Gaulle espérait ainsi garder la colonie dans le giron français), qui a été envoyé au rebut en Inde mais n’a jamais été démantelé car considéré comme porte-poisse (après la catastrophe de Batna, qui fit 6000 morts et l’accident à son arrivée) par les indiens. Oui, mais ça c’était avant que Tayeb n’ait cette vision dans le désert de Tassili et qu’il ne comprenne que c’était à lui de trouver une façon de lutter contre cette menace, l’UMO, qui pourrait bien mettre le monde en péril! Mais, bien sûr, Dieu le père n’est pas vraiment d’accord pour qu’il utilise l’Atlas afin de sauver le monde. Le gouvernement français non plus d’ailleurs. Le périple pour ramener le George Sand en Algérie s’annonce, du coup, périlleux…
Uchronie (avec la création des robots géants Atlas, les auteurs imaginent une évolution différente des événements en Algérie), aventure, science-fiction (l’UMO aurait été créé par des aliens), géopolitique (la politique nucléaire de la France est ici pointée du doigt), polar, espionnage, récit apocalyptique… : Le Dernier Atlas, inclassable, est un peu tout cela à la fois ! Et c’est ce qui rend cette série si captivante. Car entre les conflits d’intérêts entre différents groupes mafieux, les événements étranges se passant dans le désert algérien (le regroupement de tous les oiseaux migrateurs à cet endroit, l’apparition de cette créature mystérieuse sortie du sable, ses attaques sonores, les ouragans qu’elle crée grâce à une sorte de bio-ingénierie, les marques apparues dans le désert ou sur le front du bébé de Françoise…), l’enquête des policiers français ou le périple de l’Atlas, le récit déroule son intrigue délicieusement complexe et ambitieuse, alternant scènes se déroulant dans le robot, à Nantes ou en Algérie, sur un rythme enlevé qui ne fléchit absolument pas dans ce tome 2. Ajoutez à cela des personnages qui ont une vraie épaisseur, un message écologique prégnant et une critique, vive !, de la colonisation française, et vous obtenez un roman graphique, aussi engagé que divertissant, qui a un souffle romanesque incroyable ! Car côté dessin, Tanquerelle et Blanchard sont au diapason, mettant en images l’univers imaginé par De Bonneval et Vehlmann avec brio : un trait vivant et expressif mis en couleurs avec talent par Laurence Croix. Bref, Le Dernier Atlas se dévore, littéralement ! L’une des toutes meilleurs séries actuelles. On vous aura prévenus !
(Série en 3 tomes, 232 pages chacun – Dupuis)