BD. 2014. Gwen de Bonneval vient de devenir père. Et au même moment ou presque, une angoisse existentielle le submerge : bien sûr qu’il savait, depuis assez longtemps déjà, que le monde courait à sa perte, que notre façon de vivre détruisait la planète à petit feu et que c’était la survie de l’Humanité qui était en train de se jouer mais l’étude sur laquelle il tombe alors (elle expliquait que l’on avait déjà dépassé 4 limites identifiées sur 9 qu’il faudrait pourtant pouvoir garder sous contrôle pour que l’Humanité puisse vivre « dans un écosystème sûr ») le laisse dans un état de sidération totale. Et de culpabilité aussi. Pourquoi n’a-t-il rien fait avant ? A cause de son hypersensibilité ? De la figure oppressante de sa mère ? De son manque de confiance en lui ? Pour y voir plus clair, il doit se confronter à son passé ! Aidé de sa sœur Sandrine avec qui il compare ses souvenirs des différents événements, il s’oblige donc à une introspection totale, pour mieux comprendre. Il revient ainsi sur sa naissance difficile (il ne voulait pas téter, a attrapé un staphylocoque et a failli mourir de froid une nuit…), son enfance marquée par les railleries des autres sur son prénom breton (Gwenaël), son caractère dans la Lune mais surtout la relation étrange de ses parents (après de violentes disputes, son papa quitte le foyer mais pour « des raisons professionnelles » selon la version officielle de sa mère), les mensonges et la violence de sa mère…
Avec Philiations, Gwen de Bonneval se lance (un second tome viendra le compléter) dans une autobiographie aussi singulière que brutale. Elle mélange en effet introspection d’une sincérité totale qui nous plonge dans l’enfance et l’adolescence de l’auteur et brosse aussi, en chemin, le portrait des différents membres de sa famille, dont un grand-père qui avait été aide de camp du général de Gaulle pendant plus de 20 ans mais restait inexplicablement secret à ce sujet, au contact desquels il s’est construit ; questionnement au sujet de notre société, du danger qu’elle représente pour l’avenir de la planète et même de l’Humanité mais aussi des solutions qu’il faut envisager pour sortir de cette spirale autodestructrice et évocation de sa vie et de son rôle de père d’un petit Philémon qui a lui aussi du mal à trouver sa place parmi les autres, notamment à l’école à cause de son anxiété. Tout en étant toujours facile à suivre grâce à un code couleur -chaque période a son propre traitement graphique- adopté par de Bonneval et à son inventivité narrative.
Un livre étonnant, très sombre pour l’instant, qui nous montre un auteur qui compte dans la BD actuelle (il a scénarisé Le Dernier Atlas et Les Racontars arctiques pour Tanquerelle ou dessiné Les Derniers jours d’un immortel et Polaris ou la nuit de Circé) comme jamais auparavant. Très recommandé !
(Récit en deux tomes, 224 pages pour ce tome 1 – Aire libre/Dupuis)