BD. Paris, 1907. Valentin doit prendre le train avec sa femme pour aller à Venise en voyage de noces. Mais son patron, Lachaise, le prie de rester encore quelques jours pour couvrir un fait divers retentissant : une fillette a disparu et tout porte à croire qu’elle a été assassinée. Une affaire synonyme d’aubaine pour la presse et ses ventes. Valentin se met donc à enquêter mais comprend rapidement que ce que veut surtout lachaise, ce n’est pas forcément la vérité mais du sensationnel : des détails graveleux, des révélations chocs, des « scoops », comme aux Etats-Unis…
Ne vous attendez pas à suivre une enquête en bonne et due forme ici. Les Crieurs du crime n’est d’ailleurs pas un roman graphique policier. Non, ce qui intéresse ici Sylvain Venayre (qui est professeur d’histoire contemporaine) et Hugues Micol c’est de nous plonger dans le monde de la presse de la belle époque, qui commence à s’intéresser aux faits divers. Parce qu’ils sont très vendeurs, bien sûr. Mais aussi parce qu’ils permettent aux patrons de grands journaux (qui sont souvent des hommes politiques ou des industriels proches d’eux…) de faire peur en mettant en avant l’insécurité qui règne dans Paris. Et ainsi de peser sur le débat autour de l’abolition de la peine de mort (qui sera finalement repoussée, d’ailleurs, jusqu’en 1981…) qui avait alors lieu…
Une plongée inspirée dans l’univers, malsain (« On a une affaire magnifique. Un crime splendide. Une fillette, violentée, assassinée… », dit Lachaise dans une scène…), de la presse de la belle époque qui se tourne vers les trouvailles venues des Etats-Unis : les interviews, les scoops, le sensationnalisme, pour vendre plus. Ainsi que dans les mentalités de ce début de XXe siècle (le voyeurisme, le machisme, l’antisémitisme ambiant…). D’un grand réalisme, grâce au travail de recherche, rigoureux, de Venayre et au superbe travail graphique (réalisé à la peinture) de Micol, le récit nous montre, aussi, que les choses n’ont finalement pas beaucoup changé en plus d’un siècle quand on songe, par exemple, au rôle joué par le groupe Bouygues dans l’extrême-droitisation de notre société et l’arrivée en tête du RN au premier tour des dernières législatives. Un constat qui fera, on l’espère, réagir…
(Récit complet, 144 pages – Delcourt)