Michael Deforge est un drôle de bonhomme qui commence par s’excuser, dans le prologue, de proposer aux lecteurs ce recueil de « Lose », les différents volumes de sa série n’étant pas fait, selon lui, pour être compilés de la sorte. Avant d’expliquer, un peu plus loin, qu’il a commencé « Lose » après avoir tenté de se suicider…
L’ambiance est plantée ! Le corps du recueil sera à l’avenant car Deforge aime titiller, décontenancer voire déranger. Entre un garçon harcelé par ses camarades à l’école qui enfile une tête de cheval mort, un kidnapping du bébé de 2 créatures qui ressemblent à des extra-terrestres, la transformation des organes d’un adolescent façon intérieur de club SM ou l’étonnante vie des membres de la famille royale canadienne (corps flasques tenant debout grâce à l’exosquelette de l’habit royal, traits du visage rabotés à la naissance, parties génitales recouvertes par un rabat de peau appliqué chirurgicalement…), on nage ici constamment entre cauchemars, angoisses, fantasmes et absurde !
Communication père/enfant compliquée, obsessions sexuelles, relations amoureuses névrosées, découvertes violentes à l’adolescence : l’univers de Deforge est sombre, très sombre. Et la société qu’il dépeint ici psychotique. Pas surprenant qu’elle soit, dans ces histoires, tour à tour attaquée par des vers crachés par des sortes de crabes (dans « C’est Chip »), menacée par une étrange maladie (le syndrome de Stacy, dans « Les sixties ») ou carrément post-apocalyptique (« Chien 2070 ») car elle semble au bout du rouleau, en fin de vie…
Une œuvre indéniablement originale et étrange qui interpellera, déstabilisera…ou laissera perplexe, selon les lecteurs.
(Recueil d’histoires – Atrabile)