« Saving Human Being », sauver les hommes : telle est la mission de ce robot militaire dans ce futur post-apocalyptique. Programmé à cette fin, il suit donc les consignes à la lettre. D’abord en allant chercher de l’eau pour le seul survivant humain de son équipage dont l’avion vient de s’écraser dans un immense désert, puis, à la mort de celui-ci (sa quête de la précieuse boisson lui a demandé 1238 jours…), en veillant sur une mère et sa fille rencontrées dans l’oasis où il a rempli son jerrycan d’eau. Mais l’être humain est fragile et après 6100 jours passés auprès des deux femmes, le robot les a enterrées toutes les deux. Il doit cependant poursuivre sa mission et donc, comme Boya, la jeune fille qui vient de mourir, le lui a indiqué, sortir du désert pour continuer à veiller sur les hommes et leur avenir…
Après avoir découvert son superbe travail graphique sur « Crusades » (aux Humanos), j’étais vraiment curieux de retrouver le chinois Zhang Xiaoyu pour un projet plus personnel, en solo. Et il livre avec « Saving Human Being » (en fait l’adaptation d’un roman chinois quasi éponyme écrit par Liu Weijia) un récit réellement singulier, d’une tristesse infinie et d’un profond pessimisme. Un récit initiatique puisqu’il suit la trajectoire de ce robot (lointain cousin de l’Exterminateur 17 de Bilal et Dionnet) amené à découvrir les hommes et à questionner les fondements et la nature même de sa mission à leur contact. Car si l’intitulé de la mission est claire, les chemins pour la réaliser le sont beaucoup moins. Que doit-il exactement faire pour la mener à bien ? Comment peut-il sauver les hommes alors que ceux-ci sont si fragiles ? Jusqu’où doit-il aller pour cela ? Et surtout, peut-il sauver les hommes contre leur propre volonté ?
Un questionnement que l’auteur met en scène avec sobriété (sa science-fiction fait preuve d’une étonnante économie de moyens : quelques robots et c’est à peu près tout -pas d’effets spéciaux spectaculaires, de combats intergalactiques impressionnants ou de vaisseaux spatiaux hypersophistiqués), beaucoup de mélancolie (notamment dans la partie se déroulant dans l’oasis, qui fait figure, a posteriori, de paradis perdu) et de talent (le dessin, encore une fois très réussi, explose parfois sur des double pages magnifiques) jusqu’à ce final aussi inéluctable qu’abasourdissant. Une vision marquante, très sombre (mais malheureusement lucide…) de l’Humanité. Le genre de lecture dont on ne ressort pas tout à fait indemne.
(BD – ankama)