Alex vient de perdre son grand-père, mort d’une mauvaise chute dans sa maison de retraite. Peut-être parce qu’il se sent un peu coupable (il ne venait que rarement le voir), Alex, après être tombé sur une photo de son aïeul aux côtés d’une jeune femme blonde dans ses affaires, décide de partir à sa rencontre pour en découvrir un peu plus sur cette partie de sa vie qu’il ne connaissait pas. Mais plus il avance dans son enquête, plus ses découvertes deviennent étranges (son grand-père venait par exemple parfois dans un endroit secret où il faut donner un code pour entrer et où se trouve un moniteur sur lequel le visage de la femme blonde apparaît) et surtout plus sa vie vacille et part en lambeaux. En effet, complètement obsédé par son investigation, c’est d’abord sa fiancée qui le quitte, après avoir reçu des menaces au téléphone, puis il perd son boulot parce qu’il n’a pas rendu ses articles à temps et est, enfin, accusé d’avoir tué 2 officiers de police au cours de l’une de ses sorties nocturnes de repérages…
Difficile de nier que Cameron Stewart s’y entend pour créer une atmosphère malsaine, poisseuse et flippante. Infirmier pervers qui connaît, comme par hasard, la jeune femme blonde, locaux secrets inquiétants cachés dans une sorte de bunker souterrain, coïncidences étranges (Alex découvre qu’il fait le même rêve récurrent qu’un gars rencontré par hasard sur le parking de l’hôpital et qui s’avère être en fait le mari de la jeune femme blonde) : le lecteur est rapidement happé par ce thriller complexe et manipulateur dont la narration schizophrène mêle différents niveaux de réalité, à la façon d’un David Lynch, pour mieux nous prendre au piège de son scénario. Mais n’est pas le réalisateur de “Mulholland Drive” ou “Lost Highway” qui veut. Car si pendant les trois quarts du récit Stewart mène de main de maître la plongée paranoïaque de son héros dans les eaux troubles des rêves, des fantasmes et des traumatismes de l’enfance, il trébuche malheureusement sur la dernière marche : la résolution de l’énigme. Sa théorie fantastique sur les rêves et la création s’avérant clairement un peu facile et décevante. Dommage : Cameron Stewart, qui a obtenu l’Eisner Award du meilleur webcomic (il a d’abord publié “Sin Titulo” sous forme d’épisodes sur le net) à San Diego 2010 pour cette histoire, n’était pas loin du chef-d’œuvre.
(Récit complet – Ankama)