BD. Qu’est-ce qui a bien pu pousser Alain Delambre à cette extrémité ? Les médias parlent d’un cadre poussé à bout par l’humiliation du chômage et le sentiment de devoir vivre sans espoir. Mais il doit y avoir autre chose derrière cette prise d’otages lors d’une session de recrutement. En tout cas, Lacoste, le boss de BLC Consulting, qui avait organisé cette session, n’est pas tranquille et il s’arrange pour que l‘on mette la pression sur Delambre, en prison, pour qu’il ne parle pas à la police…
Pierre Lemaître est un bon client pour la bande dessinée. En effet, après Au Revoir là-haut et Couleurs de l’incendie adaptés par De Metter et Brigade Verhoeven revisité par Bertho et Corboz, c’est au tour d’un autre de ses romans, Cadres noirs, d’être adapté en bande dessinée. Et comme pour les 3 premiers tomes de Brigade Verhoeven, c’est Pascal Bertho qui s’est chargé du scénario de ce thriller. Une mécanique parfaitement huilée qui mêle présent et passé, scènes en prison et quotidien de Delambre, du temps où il se préparait, soutenue par sa femme, pour cette fameuse session de recrutement, quasiment sa dernière chance de retrouver un poste de cadre dans les ressources humaines mais aussi d’être crédible et légitime vis-à-vis de sa femme, de ses filles et de leurs maris, dans son rôle de père de famille. Le scénariste brosse surtout un portrait psychologique saisissant de son personnage principal tout en se gardant bien sûr de nous dire trop vite ce qui l’a amené à faire ce qu’il a fait et ce qui s’est réellement passé lors de la prise d’otages…Habilement, il ne nous fournit en effet que la moitié des pièces de son puzzle narratif pour éviter que l’on ne remette le tout dans l’ordre trop vite. De la belle ouvrage qui rend la lecture captivante, d’autant que comme souvent avec Lemaître, il y a dans Cadres noirs une dimension sociale importante, avec cette critique sous-jacente du monde, pourri (on fait miroiter l’obtention d‘un poste à des stagiaires pour coucher avec elles ; on profite de la flexibilité des employés pour les exploiter un peu plus voire les humilier…) de l’entreprise…Côté graphique, Liotti, que l’on découvre ici, se montre clairement à la hauteur, avec un dessin réaliste agréable, mais surtout dynamique et expressif. Un épisode d’ouverture qui a tout bon !
(Récit en 3 parties, 74 pages pour cet épisode 1 – Rue de Sèvres)