BD. Après avoir erré à travers champs et sur les routes remplies de français fuyant les allemands, Amédée a enfin retrouvé son régiment. Auquel le colonel demande, peu après, de saboter leur matériel et de casser leurs fusils avant de se rendre à l’ennemi qui les a encerclés. Le 11ème rejoint alors une longue colonne de prisonniers qui se dirige vers des camps en Allemagne. Et Amédée se retrouve de nouveau sur la route…
« Neuf mois de guerre et je n’aurai pas tiré un seul coup de feu », commente Amédée quand il est fait prisonnier. La seconde guerre mondiale, rapidement perdue, a été aussi ça. Peut-être surtout ça. L’exode. De longues marches sur les routes. Et rien à faire qu’à attendre les ordres allemands. Alors, on s’occupe comme on peut. On tord le coup des chats pour améliorer l’ordinaire. On se délasse dans les rivières quand on a la chance d’en rencontrer une. On rêve de se faire la belle. Et on parle, beaucoup. On banalise. On essaie de tromper le temps et de penser à autre chose à coups de boutades et de saillies verbales comme quand le régiment découvre le petit comptable mort au petit matin et que l’un d’eux s’exclame: « C’est qu’un gland qui s’est pendu à un chêne ». Une gouaille qui rythme les marches forcées des soldats tandis que Rabaté observe les attitudes de chacun. Car s’ils sont tous soldats, obligés de vivre ensemble, dans une grande promiscuité (on dort les uns à côté des autres mais on chie aussi l’un en face de l’autre, presque les yeux dans les yeux…), ils viennent de classes sociales diverses. Et sont tous différents. Il y a les bavards, les insouciants, ceux qui obéissent un peu trop facilement aux ordres de l’ennemi et les précédent même. Ceux qui essaient de garder leurs principes coûte que coûte, ceux qui subissent et ceux qui préfèrent mourir que d’être battus…Et la guerre joue bien sûr le rôle de révélateur, mettant au grand jour petites trahisons, actes d’héroïsme, grandeur d’âme ou vraies saloperies.
Un très bon récit, qui aborde la guerre d’une autre façon, singulière, par la bande, superbement dessiné par Rabaté, qui livre ici un noir et blanc dépouillé qui fait mouche. Très recommandé.
(Diptyque – Futuropolis)