BD. Aquarelles vives pour la forme ; géants, « don » et alchimistes présents dans l’histoire : Là où dorment les géants est un conte moderne. Avec sa morale (on y reviendra…) distillée avec subtilité ici ou là « chemin faisant ». L’expression n’est pas employée par hasard puisque l’héroïne, Malo, a pris la route. Après la mort de son père et une grande tristesse dont elle est sortie avec une conséquence inattendue (son nombril a disparu), elle a décidé de partir sur ses traces, à Nix Alba, où se trouve l’académie des Alchimistes, là où son père a étudié. Mais pour cela il faut traverser le marais puis la ville et trouver un passeur là où dorment les géants qui accepte de l’emmener jusqu’au campus…
Prix Révélation du festival d’Angoulême en 2021 avec Tanz !, qui explorait racisme et homosexualité dans les années 50, Maurane Mazars revient avec un nouveau récit tout aussi engagé. Sur tous les fronts ou presque car Malo, au cours de sa quête identitaire, va prendre conscience des inégalités, des déséquilibres et de la souffrance qu’engendre notre mode de vie actuel dont on reconnaît ici les travers, clairement visés même si ce monde est imaginaire. Avidité, exploitation des ressources naturelles, dictature des traditions, patriarcat sont ainsi pointés du doigt dans Là où dorment les géants, récit ouvertement féministe qui entend montrer que le modèle familiale avec le père comme « chef » est aussi rétrograde qu’inapproprié. Un message positif et nécessaire que Mazars parvient à faire avec subtilité et personnalité. On a déjà parlé de son travail graphique, aussi chouette qu’original, réalisé au pinceau mais on n’a pas encore mentionné l’aspect poétique du récit, appel, aussi, à garder notre âme d’enfant pour ne pas oublier de voir la beauté autour de nous, qu’elle soit dans la nature ou les personnes. Une nouvelle voix résolument différente, fraîche et originale, dans la BD.
(Récit complet, 192 pages – Le Lombard)