BD. Judith Vanistendael n’a sorti que 4 romans graphiques en 10 ans. Parce qu’elle est également illustratrice de livres pour enfants. Mais aussi parce qu’elle veut prendre le temps de saisir ses personnages, de les cerner dans toute leur complexité. Pour Les 2 vies de Pénélope, elle a par exemple accepté de se rendre dans un camp de réfugiés (à Lesbos, en Turquie) pour y réaliser un reportage graphique afin de mieux comprendre ce que Pénélope, la protagoniste de son nouveau récit, pouvait ressentir lorsqu’elle exerce son métier de chirurgien d’urgence en Syrie ou ailleurs. Voilà pourquoi ses histoires sont si « vraies », si humaines. Et qu’elles ont ce petit supplément d’âme.
C’est une nouvelle fois le cas de Les 2 vies de Pénélope, joli portrait, touchant et authentique, de femme. Une femme qui a décidé d’être très souvent parti de la maison, où son mari et sa fille de 14 ans l’attendent pourtant, pour faire son métier et sauver des vies. Parce qu’ Otto et Hélène semblent très bien s’en tirer sans elle. Et parce que sa présence lui paraît plus importante là où elle va. Un choix que sa famille a de plus en plus de mal à comprendre et accepter et que sa mère et sa sœur lui reprochent à chacun de ses retours, gâchant ainsi les quelques moments qu’elle passe avec eux…
Comme dans David, les femmes et la mort, qui la voyait suivre les dernières semaines du personnage principal atteint d’un cancer agressif, c’est avec justesse et sensibilité (à l’image de son travail graphique, un trait fin rehaussé d’aquarelles) que l’autrice brosse ce portrait de femme courageuse qui n’entend pas suivre le chemin qu’on veut tracer pour elle mais qui finit, tiraillée entre ses deux vies, par ne plus savoir où est sa place. Une brillante façon de combattre les stéréotypes (la femme qui doit être maternelle, se charger du foyer…). Et une belle réussite, une nouvelle fois, tout simplement.
(Récit complet, 160 pages – Le Lombard)