BD. Nous sommes pendant la seconde guerre mondiale, en Corée occupée par le Japon. Les parents de Guija, qui n’est encore qu’une jeune adolescente, ont entendu dire que les japonais kidnappent des jeunes filles qui ne sont pas encore mariées dans les villages. Alors ils organisent des fiançailles pour protéger Guija, qui rejoint bientôt son mari et sa belle-famille dans un village voisin. Un fils naît rapidement de leur union et le Japon capitule enfin. Puis une fille arrive à son tour. Mais le bonheur ne dure pas longtemps…Kim Il-Sung, aidé par les communistes chinois et les soviétiques, ne tarde en effet pas à attaquer la Corée du Sud, plongeant le pays dans le chaos. Des colonnes entières de paysans, dont Guija, ses enfants et son mari, se retrouvent sur les routes pour fuir la guerre. Après quelques jours de marche, Guija s’arrête pour allaiter Minhé. Quand elle revient pour rejoindre son mari resté avec Sangil, elle ne les trouve pas dans la foule. Elle ne le sait pas encore mais elle ne les reverra plus…
La mère de Keum Suk Gendry-Kim, qui vit désormais à Séoul, lui a régulièrement répété son désir de revoir son fils resté en Corée du Nord après la guerre avant de mourir. Un souhait qui tenait plus du rêve que d’autre chose avant que les 2 pays n’organisent des retrouvailles, le temps de quelques heures, dans un lieu précis, entre membres de familles séparées depuis plus de 70 ans ! En 2018, 2000 familles sud-coréennes ont ainsi pu revoir, le temps d’une journée, un père, un frère, en enfant resté en Corée du Nord. 2000 alors que 132 124 personnes s’étaient enregistrées auprès de la Croix rouge pour participer à ce programme…Des personnes qui ne sauront jamais si leur proche est encore en vie, s’il s’est marié ou a eu des enfants. C’est cette tragédie que Gendry-Jim a décidé de raconter ici avant que la nouvelle génération oublie le déchirement qu’a engendré cette guerre. Sous forme de fiction pour respecter l’émotion de ceux qui ont vécu cela mais en se basant sur des faits réels : les témoignages de sa mère et de deux personnes, madame Lee et monsieur Kim qui ont, eux, eu la chance de revoir un proche. Ce qui donne beaucoup de force à ce récit qui revient avec talent (avec un noir et blanc au trait aussi délicat qu’expressif) et pudeur sur le drame qu’ont vécu et vivent encore toutes ces personnes en Corée. Un grand roman graphique, de ceux qui vous émeuvent.
(Récit complet, 248 pages – Futuropolis)