BD. C’est vrai que ça commence à dater mais si vous avez une bonne culture BD, vous vous souvenez probablement que Comanche est une série créée par Hermann et Greg et qu’elle a fait ses premiers pas dans le journal Tintin dans les années 70. Il n’était pas prévu qu’elle soit reprise jusqu’à ce que Romain Renard, après avoir été contacté pour participer au mook hommage aux 77 ans du journal, ne commence à y penser. Mais cela ne pourrait être qu’une version personnelle. Notamment au niveau graphique, avec un noir et blanc virtuose. Des décors que l’on croirait « photographiés » tant leurs ambiances, souvent mélancoliques, sont réalistes. Et des personnages qui y évoluent qui donnent l’impression de sortir d’un film d’animation (logique puisque l’auteur travaille depuis quelque temps sur l’adaptation de sa trilogie Melvile dans ce médium…). Un mélange très réussi, qui met en exergue la mélancolie du récit. Car dans Revoir Comanche, le mythique Red Dust, qui avait (c’était une autre époque, celle où le Wyoming n’avait pas encore rejoint les Etats-Unis d’Amérique) tant de fois défendu le Triple Six, le ranch de Comanche, contre bandits et autres spéculateurs, doit sortir de sa retraite. Appâté par une jeune femme enceinte qui se fait passer pour une bibliothécaire du Congrès travaillant sur la mémoire du Far West, notre héros se met à repenser au passé et à Comanche, qu’il n’a pas vu depuis si longtemps et à qui il n’a jamais lu ce poème de Shakespeare qu’il avait pourtant appris par cœur…Alors il prend la direction du ranch dans la voiture de Vivienne Bosch, accompagné des fantômes de cette époque qui commencent à revenir le hanter, dont Dobbs, un pourri de la pire espèce que Dust avait abattu alors qu’il était désarmé…
L’époque a changé mais certaines choses restent, comme l’appât du gain, qui pousse les hommes à commettre les pires crimes. C’est ce que Romain Renard semble nous dire dans ce récit de facture classique, que ce soit dans la narration ou le découpage. Pas vraiment surprenant puisqu’il rend aussi hommage (en plus de Greg et Hermann qui donne ici son nom à un personnage, bien entendu…) aux « westerns » de John Ford ou Howard Hawkes tout en jouant avec la figure du mythe. Une relecture aussi personnelle qu’inspirée, avec, en son centre, une rencontre (on parle bien sûr de celle de Dust et de la jeune femme), belle et inattendue, qui sonne très juste et qui fourmille de belles idées, comme ces fantômes qui sortent de l’esprit de Dust pour envahir la réalité.
(Récit complet, 152 pages – Le Lombard)