BD. Années 1920. Settimo débarque en Cochinchine pour tenter d’oublier le passé : la guerre et ses tourments. Mais, à sa grande surprise, un petit comité est là pour l’accueillir : le commissaire Lesueur et ses adjoints, qui ont entendu parler de ce qui s’est passé dans la Somme par son ex-colonel…Si Settimo veut garder sa liberté, il devra être leurs yeux et leurs oreilles au cœur de l’exploitation d’hévéas de madame de La Souche pour qui il va travailler comme bûcheron ! Car depuis quelques temps, un corbeau imprime un journal qui appelle la population à l’insurrection contre les colons français et la sûreté ne peut, bien sûr, pas laisser ce genre d’idées dangereuses se répandre…Le corse Settimo avait déjà vu, dans les tranchées, que la vie d’un homme de couleur ne valait pas grand chose comparée à celle d’un blanc. Il va en avoir confirmation en arrivant en Indochine, colonie française où les autochtones sont exploités pour extraire les ressources locales qui font la richesse de quelques nantis et, avec eux, de la France. Une manne qu’il faut absolument “protéger”, coûte que coûte, par la répression et en faisant couler le sang s’il le faut…
Colons méprisants, policiers brutaux, représentants de l’état hypocrites mettant en avant l’œuvre civilisatrice de la France dans ses colonies et colère qui gronde et s’organise progressivement parmi la population locale : La Querelle des arbres rouvre un chapitre noir de l’Histoire de France, celui de la colonisation de l’Indochine. A travers un scénario romanesque comme il faut (les personnages sont hauts en couleur, comme Desroches, le pilote à l’aéropostale libertaire qu’un incident oblige à se poser dans cette ville ; Settimo, colosse corse au grand cœur ou encore le petit Chân Li, garçon aux dons étonnants), teinté de fantastique (il incorpore, idée fructueuse, quelques légendes khmers, notamment celle des esprits des arbres…), qui a du souffle tout en sonnant très juste. Notamment dans son évocation des comportements, souvent hautains, voire pire, des colons, de l’empathie de certains français pour les autochtones ou encore de l’aspiration des khmers (les “niakoués”, comme on les appele parfois…) à devenir libres. Le dessin de Farace, son encrage épais et ses aplats de noir, très réussi, y est bien entendu pour quelque chose.
Un très bon récit qui rappelle, avec intelligence (il évite tout manichéisme) et humanisme, la réalité de la colonisation française tout en divertissant…
(Récit complet, 224 pages – Casterman)