BD. « Un lauréat, un reportage, un roman graphique » : voilà le crédo de la nouvelle série de livres abritée par la toujours intéressante collection Aire libre qui ambitionne de rendre hommage aux textes ayant remporté le célèbre prix journalistique Albert Londres. Et après Sur le front de Corée, qui mettait en images le reportage d‘Henri de Turenne, c’est cette fois la série d’articles réalisée par Annick Cojean et publiée dans Le Monde en 1995 sur la mémoire de la Shoah qui est adaptée an bande dessinée. Des textes forts qui entendent, bien sûr, contribuer à ce que l’on n’oublie pas ce qui s’est passé, cette horreur indescriptible, lors de la seconde guerre mondiale en donnant la parole aux survivants et à leurs descendants. Pour donner à entendre la souffrance encore à l’œuvre 50 ans après. Elle est donc allée voir les responsables du programme Fortunoff Video for Holocaust Testimonies qui recueille les témoignages de 3000 rescapés. S’est entretenue avec des enfants de rescapés de la Shoah. Mais aussi, et c’est plus inhabituel, les descendants de dignitaires nazis ! Des rencontres entre ces derniers et des enfants de survivants ont d’ailleurs été organisées pour tenter de faire taire la haine à jamais, qu’Annick Cojean a aussi suivies pour en rendre compte dans ses papiers.
L’adaptation d’un projet aussi lourd pouvait paraître périlleux. Mais le binôme Rojzman/Baudoin a su trouver le bon équilibre. La première en choisissant de mêler images qui suivent Annick Cojean dans ses voyages pour aller à la rencontre de ses témoins et souvenirs et blessures du passé qui remontent forcément à la surface. Et la seconde en proposant des choix graphiques forts : un dessin délicat, aux couleurs douces, pour mettre en scène les rencontres que fait Cojean et un trait plus hachuré et saturé, plus sombre aussi lors des flash-back qui nous ramènent à la barbarie nazie et aux atrocités vécues par les juifs. Un compromis judicieux qui permet de faire ressentir, par moments, l’innommable vécu dans les camps d’extermination, tout en évitant de rendre la lecture trop pesante. Une adaptation pleine d’intelligence.
(Récit complet, 144 pages – Aire libre/Dupuis)