BD. Stephen Vuillemin a travaillé à la réalisation de son premier court métrage, A Kind of Testament (qui a, apparemment, remporté nombre de prix dans différentes pays), entre 2016 et 2022. 5 années pendant lesquelles il y a consacré tout son temps, et toute son énergie, faisant tout de A à Z. Il s’est cependant octroyé quelques respirations pendant lesquelles il créait de courtes bandes dessinées qu’il publiait ensuite sur Instagram. Au fil du temps, les récits ont pris de l’épaisseur, la couleur a remplacé le noir et blanc et le format a changé quand les histoires ont commencé à être publiées dans le magazine Mouvement. Mais une constante est restée : le côté spontané (la bande dessinée était censée être une pause pour l’auteur…) et délirant, aussi, de ces récits dont les meilleurs ont été regroupés pour en faire un livre : Les Nourritures extraterrestres.
Une mère qui choisit une caille en côte de maille (cette dernière étant réalisée avec des anus de porc…) au restaurant pour prouver à sa fille qu’elle est une véritable « foodie » ; une femme qui se fat tatouer Le cri de Munch sur le visage pour plaire à un mec avec qui elle vient d’avoir son premier « date » ; une mère qui traumatise son enfant en lui choisissant une peluche hideuse comme compagnon de jeu pour lui inculquer la tolérance et l’acceptation de la différence ; une fille travaillant dans la mode qui décide de tout plaquer pour faire du fromage à base de lait d’éléphante après avoir découvert que la burrata était « trendy » chez les gastronomes : le petit monde de Vuillemin, souvent bizarroïde, étonne, désarçonne, amuse. Surtout, avec son trait minimaliste délicat réalisé à la palette graphique et rehaussé de couleurs clinquantes quand il y en a, il passe au crible les modes, travers et autres paradoxes de notre société ultra-connectée basée sur les apparences avec un humour absurdo-loufoque parfois jouissivement féroce. Si l’ensemble s’avère un peu inégal (toutes les histoires ne peuvent pas fonctionner aussi bien qu’Amour inconditionnel, petite pépite d’humour noir) Les Nourritures extraterrestres vaut néanmoins le détour. Une belle découverte.
(Récit complet, 144 pages – Denoël Graphic)