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L’ESCAMOTEUR (Collin/Goethals)

BD. L’Escamoteur est la troisième collaboration (après Le Voyage de Marcel Grob et La Patrie des frères Werner) entre Philippe Collin et Sébastien Goethals et elle leur a probablement donné plus de fil à retordre. Au départ, il y avait cette envie du dessinateur, Goethals, de raconter un événement qui avait marqué son enfance. Alors qu’il avait 14 ans, une amie de ses parents, qui faisait partie, comme eux, de la communauté anarchiste et libertaire provençale, avait été arrêtée par la police pour avoir accueilli chez elle des membres d’Action Directe. Le choix de vie baba cool et pacifiste de ses parents (son père construisait des jouets en bois et sa mère faisait du tissage…) venait subitement de basculer dans la violence et le terrorisme. Mais comment raconter l’histoire de cette amie et d’Action Directe sans être complaisant ni dénaturer le combat de cette organisation ? Le projet avait tout d’une planche narrative savonneuse…Les deux auteurs se sont pourtant lancés et ont eu l’idée, brillante, d’intégrer l’histoire du livre à leur récit. Ainsi, alors qu’ils remontent, méthodiquement, grâce aux informations que leur ont données les commissaires Pichon et Savoie (en charge, à l’époque, des différentes enquêtes sur Action Directe et ses membres), lors d’entretiens qu’ils ont eus avec eux, de Primevère, l’amie incarcérée, jusqu’au libanais Gabriel Chahine (un peintre cinéaste libertaire de Toulouse qui avait infiltré les milieux d’extrême-gauche pour se rapprocher des membres d’Action Directe pour le compte des Renseignements Généraux) et, enfin, Rouillan, Schleicher et Ménigon, les têtes pensantes d’Action Directe, des scènes ayant lieu en 2021 font irruption dans la narration, montrant les deux auteurs en train de discuter de leur projet : de leurs doutes, de leurs avancées décisives et de leurs choix. Dialoguent ainsi, dans L’Escamoteur (le titre d’un tableau de Bosch qu’Action Directe a volé pour financer son combat mais aussi ce qui aurait pu être le surnom de Chahine, personnage complexe et insaisissable, dont on découvre ici le parcours et les motivations), deux périodes : celle des années 70-80 qui vit Action Directe s’organiser pour lutter, par la violence (ils finirent tout de même par tuer des gens, dont Chahine et Besse, PDG de la régie Renault), contre l‘impérialisme et le capitalisme et le présent, depuis lequel les auteurs tentent de comprendre, de façon neutre et objective, les motivations de chacun. Cela aboutit à une plongée captivante (malgré la complexité des faits et de certains individus, la narration reste toujours claire, notamment grâce à la mise en couleurs -les scènes sont délimitées par une tonalité différente à chaque fois- de Goethals et son dessin réaliste, techniquement très régulier, qui permet de reconnaître immédiatement chacun des personnages) qui nous fait revivre avec brio ces années de trouble politique (l’élection de Mitterrand effrayait beaucoup de monde à l’époque) et de violence que connut la France. Très conseillé, vous l’avez compris !

(Récit complet, 120 pages – Futuropolis)

Futuropolis, L’Escamoteur , Goethals, Collin

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