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L’OMBRE DES LUMIERES 1. L’Ennemi du genre humain (Ayroles/Guérineau)

BD. Le chevalier Justin Fleuri de Saint-Sauveur a-t-il réellement existé ? Certains mettent en doute la possibilité qu’un tel intrigant ait vraiment vécu ! Comment, en effet, imaginer qu’un homme capable de telles manigances (se faire, par exemple, passer pour un autre afin d’approcher et séduire la vertueuse Madame de Clairefont pour gagner un pari lancé par le marquis de Mirepoix) pour se rapprocher de la cour ait vraiment fréquenté le siècle des Lumières ? Pourtant, sa correspondance, abondante et peu avare en détails, notamment avec cette Dame inconnue, avec laquelle il semblait pourtant avoir une relation complexe et complice, semble indiquer que c’était bien le cas…

Peu importe le genre qu’il aborde (le roman picaresque dans Les Indes fourbes, un chef-d’œuvre ou De Cape et de crocs, parodie des récits de cape et d’épée), Alain Ayroles se montre inventif et inspiré. Toujours captivant. C’est une nouvelle fois le cas avec ce nouveau récit prévu en 3 tomes, L’Ombre des Lumières. Inspiré par Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dont il reprend la narration épistolaire et la relation centrale entre une dame manipulatrice et un homme prêt à tout (et notamment à relever les défis qu’on lui lance) pour la séduire, le scénariste livre un portrait mordant de Justin Fleuri de Saint-Sauveur, intrigant motivé par la séduction et l’ambition. Et, à travers lui, de ce fameux siècle des Lumières, dont il souligne ici les ombres : femmes reléguées au rôle de génitrice et d’éducatrice des enfants ; paysans exploités que l’on laisse dans l’ignorance pour mieux les contrôler ; américains et africains que l’on considère comme inférieurs pour mieux justifier leur nature d’esclave ; clergé qui joue le jeu des puissants pour garder sa positon privilégiée auprès de la cour et de la noblesse…sans parler des jeux cruels (qui consistent souvent à tourner quelqu’un en ridicule, de préférence une proie facile et vertueuse) auxquels on s’adonne à la cour pour se divertir…

Comme toujours avec Ayroles, la narration est un exemple de maîtrise (on avance dans l’intrigue par l’entremise des lettres que s’échangent les différents protagonistes) et c’est superbement écrit, le scénariste faisant bien sûr s’exprimer les différents personnages avec le style, littéraire et précieux, exigé par les codes de la correspondance de l’époque. Mais pour que ce récit soit une réussite totale, il fallait, bien entendu, un dessinateur à même de mettre tout cela en scène avec talent. Ayroles a trouvé cette perle rare en la personne de Guérineau. Si notre homme ne se hisse pas tout à fait au niveau de Guarnido sur Les Indes fourbes, il propose malgré tout un travail graphique très réussi qui restitue avec fidélité et crédibilité coiffures, modes, demeures, postures et…injustices de ce XVIIIe siècle. Vivement la suite !

(Série en 3 tomes, 72 pages pour ce tome 1 – Delcourt)

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