Charleville-Mézières, du 14 au 18 août 2024
(photo METZ © M.Tchakmakdjian)
Mi-août, c’est le moment de notre écrasement annuel de pieds (et de coups de coude dans les côtes…), c’est le moment du Cabaret Vert ! Un festival dont on aime beaucoup les valeurs et les efforts pour faire avancer des causes nécessaires : égalité hommes/femmes, importance du consentement, anti-racisme, respect de la communauté LGBTQ+ et, bien sûr, écologie. On le sait, organiser ce genre de gros festival implique une production de CO² importante et le Cabaret Vert a pris le problème à bras le corps il y a quelques années déjà et poursuit dans cette voie pour continuer à améliorer les choses. En invitant, par exemple, les stands de restauration (qui ne font que du local !) à afficher leur score carbone ou en facilitant la mobilité douce (le festival s’est totalement réorganisé cette année, en déplaçant l’entrée de l’autre côté, Rue Voltaire pour ceux qui connaissent, du site, afin de la mettre à 8 minutes de la gare de Charleville). L’équipe de Julien Sauvage vient aussi de lancer la première phase de la décarbonation du festival avec pour objectif l’utilisation de 100% d’énergie renouvelable d’ici 2030 et une autonomie énergétique couvrant 95% des besoins du site. Et puis le Cabaret, c’est surtout ce mélange original et inégalé de BD (à l’Estaminet), de musique, de spectacles de théâtre de rue, de conférences et de projections de films (à l’Idéal). Du coup, même si la programmation était peut-être moins rock que d’habitude, on ne voulait pas manquer ce rendez-vous de l’été.

D’autant que côté BD, le plateau d’invités était vraiment chouette, avec beaucoup d’auteurs que l’on aime beaucoup à Positive Rage. On ne va pas tous les citer (ils étaient 70 à être présents…) mais mentionnons tout de même Dytar, Taduc, Andreae, Vallée, Trondheim (accompagné de sa femme et coloriste, Brigitte Findakly, très belle initiative du festival), Riff Reb’s, Edith ou encore Goux ! Et on a d’ailleurs commencé avec un peu d’avance sur certains car le mercredi soir, le Cabaret organisait une visite guidée des expos de Lionel Chouin (autour de L’Art du désastre, son livre sur McLaren, le sulfureux manager des Sex Pistols) et de Riff Reb’s (autour de son Rockbook, beau livre qui compile dessins, pochettes ou posters réalisés dans toute sa carrière autour de la musique) à la médiathèque Voyelles par les auteurs eux-mêmes. Un moment de partage très sympa (c’est toujours intéressant d’entendre les auteurs parler de leur travail) suivi, thème du rock oblige, par un blind test. Une battle entre deux équipes emmenées chacune par un auteur. On faisait partie de l’équipe gagnante emmenée par Riff Reb’s (notamment un gros fan de Radio Birdman) qui a fait l’étalage de toute sa culture musicale pour l’occasion. Une belle entrée en matière !

Côté musique, on salivait à l’avance devant l’affiche du jeudi avec un enchainement PJ Harvey, Fontaines DC, Queens Of The Stone Age qui avait de la gueule. Malheureusement, les Queens ont dû annuler quasiment au tout dernier moment pour raison de santé du chanteur (Josh Homme aurait, malheureusement, un cancer…), laissant trop peu de temps aux organisateurs pour trouver un groupe de remplacement (on avait fantasmé sur la venue d’Idles en tournée européenne actuellement mais les anglais étaient au Portugal la veille et ne pouvaient donc pas être présents en temps et en heure). Grosse déception bien sûr car beaucoup, comme nous, étaient venus voir les américains. Du coup, Fontaines DC, prévus initialement sur Illuminations dans l’après-midi, est passé en tête d’affiche à 22h sur la scène Zanzibar, la grande scène. Pour un concert fidèle à ce que l’on pense des irlandais avec un début en demi-teinte (avec un nouveau morceau, Romance, peu convaincant) avant que le groupe n’ajoute rapidement une bonne dose d’énergie punk par la suite. Les classiques (Jaquie Down The Line, Televised Mind ou Boys in the Better Land) passent toujours aussi bien et les nouveaux titres (leur nouvel album, Romance, sort fin août) s’intègrent bien au set. Dommage qu’il y ait ces quelques moments plus faibles, quand le groupe lorgne davantage vers la brit-pop avec des titres un peu sirupeux. Un bon concert tout de même qui n’a pourtant pas forcément fait le plein (il y avait beaucoup de monde pour la soul de Teddy Swims sur l’autre scène, Illuminations, qui a donc été déplacée et se trouve maintenant sur le Stade Bayard). Mais pas du niveau de celui délivré par PJ Harvey un peu plus tôt ! La quinquagénaire (difficile de croire qu’elle a 54 ans !) a tout simplement livré le meilleur concert de cette édition ! Elégante (une belle robe longue qui lui donnait des allures de prêtresse rock), scène pensée avec soin (en arrière-plan étaient projetées de très jolies images, assez abstraites, pouvant rappeler une terre craquelée à cause d’une trop grande aridité et de la chaleur…) et théâtralisée, avec notamment quelques meubles, un secrétaire ou un banc, utilisés parfois par les musiciens pendant les morceaux : la britannique a enchaîné les titres avec talent, accompagnée par le fidèle John Parish. Plutôt répétitif et ténébreux dans la première partie du set (avec des morceaux majoritairement issus de son dernier album I Inside The Old Year Dying), son indie-rock folk (l’un des musiciens jouait parfois du violon et Polly Jean a sorti une petite harpe sur 2 ou 3 morceaux) s’est fait plus mordant par la suite. Un concert parfaitement équilibré, entre émotion (impossible de ne pas être touchés par certains titres) et énergie, qui s’est terminé de la plus belle des manières, avec deux des tubes d’Harvey, Down By The Water et To Bring You My Love. La grande classe ! Un petit rappel aurait été très apprécié mais festival oblige, ce n’était pas à l’ordre du jour…
Le reste du week-end, on navigue entre les différentes scènes, l’Estaminet pour voir l’expo Super héros français et discuter avec les auteurs, interviews (on a rencontré Riff Reb’s et Edith, on en reparle bientôt, mais on glisse juste qu’Edith est en train de dessiner une adaptation d’un roman dur de Simenon, sur un scénario de Bocquet, pour la nouvelle collection de Dargaud sur le romancier français…) et animations prévues en ville ou ailleurs. Cette année, on a fait l’impasse sur la visite guidée du musée Guerre et Paix de Novion Porcien proposée le dimanche matin (on commence par bien le connaître et, surtout, Bertail, qui devait venir pour commenter son expo autour de Madeleine, résistante, son excellente série, avait annulé sa venue…) mais on a répondu présent à l’invitation lancée par Jean Dytar pour nous faire découvrir son exposition autour de Les Illuminés présentée à La Maison des ailleurs, annexe du musée Rimbaud, où le poète (né à Charleville, rappelons-le) a vécu quelques années. Entre reproductions de planches de l’album et objets (dont des lettres qu’il a écrites à sa mère…) relatifs à la vie du poète, l’auteur a parlé du processus de création du livre (ses choix graphiques, les discussions avec le scénariste, Bollée, qui aboutiront à la forme narrative singulière choisie…), qui revient sur les relations compliquées entre Rimbaud, Verlaine (le second a fini, un jour, par tirer sur le premier, qui était son amant…) et Nouveau et l’écriture des poèmes qui formeraient plus tard Les Illuminations. Une visite passionnante par un auteur particulièrement inventif dont chaque œuvre est juste incontournable. Du coup, on est allé visiter le musée Rimbaud dans la foulée… Un peu de calme et de poésie avant de repartir dans le bruit…

Et la boue ! Car la pluie, abondante, s’est invitée dans les Ardennes le samedi, transformant rapidement le site en vaste terrain de boue géant. Certains s’en sont donnés à cœur joie, s’amusant dans la gadoue, notamment autour du Razorback (la petite scène indé du Cabaret), totalement inondée car en contrebas des autres scènes… Mais pour la plupart des festivaliers ça a juste rendu la journée très galère… Compliqué en effet de vraiment profiter des concerts quand on est totalement trempés et que l’on a de la gadoue jusqu’aux chevilles… Il était, malgré tout, bien sûr, hors de question de manquer la prestation de Metz (photo en haut d’article), que l’on n’ avait encore jamais vus. Et on a résisté jusqu’au concert de Red Fang, stoner pur jus, sympa mais pas vraiment original mais on a fini par jeter l’éponge juste après, partant avant le concert des anglais de High Vis que l’on avait bien envie de découvrir pourtant… Mais revenons au set de Metz. Malgré la météo, le public, nombreux, a répondu présent et voir les gens danser dans l’eau au milieu du pit a visiblement galvanisé les canadiens qui ont sorti un set brutal du début à la fin, enchaînant les titres noise-rock sans concessions. Leur musique manque, c’est vrai, un peu de nuances mais en concert ça le fait vraiment !
Après une nuit de repos, au sec, on est du coup de nouveau d’attaque le lendemain ! Notamment pour voir Hot Wax sur le Razorback, redevenu à peu près fréquentable grâce au boulot de l’équipe des bénévoles entre temps. Un trio anglais dont la musique, entre punk et grunge, ne fait pas de fioritures. Bourrés d’énergie et portés par une chanteuse vindicative, les morceaux sont efficaces et font leur petit effet Le public est assez clairsemé (il faut dire que Hot Wax jouait pile entre Shaka Ponk et Korn programmés juste à côté, sur la grande scène…) mais les trois musiciens ne s’en laissent pas compter et livrent un set vitaminé. On n’est pas sûr de réécouter sur disque mais en concert c’est bien efficace !

On n’a pas encore parlé de Chalk ! Un trio qui nous vient de Belfast et dont le post-punk est plutôt original. Un mélange de noise-indus et d’électronique, expérimental et dansant (le jeu du batteur y est clairement pour quelque chose), violent aussi par moments, le chanteur hurlant régulièrement. Une bonne claque car le groupe nous a en effet tenu en haleine sur toute la première moitié du set. Un peu moins ensuite quand le guitariste a délaissé sa six-cordes au profit des machines. Une belle découverte en tout cas !
Un festival c’est aussi, forcément, des concerts que l’on a manqués… On aurait par exemple aimé voir The Clockworks et leur post-punk très Fontaines D.C., l’indie-rock teinté de punk-rock de Destro Boys, le post-punk, dans la lignée d’un Viagra Boys avec un petit côté psyché en plus, des nancéens de Contremeute mais ce sera pour une autre fois….