BD. Années 90, banlieue de Barcelone. Le petit monde de Carlos tourne autour de la cour en bas des immeubles de Sant-Pere. C’est là qu’il retrouve ses copains dès qu’il le peut pour des « triangulaires », des tournois de foot qui n’en finissent jamais. Une période de totale insouciance sur laquelle, avec le recul, il aurait aimé « faire pause » car tout allait bien alors…Son frère Miguel était encore en vie et Carlos était alors trop jeune pour savoir ce qu’était vraiment la vie…
Après avoir collaboré avec Kris et Galic sur Un maillot pour l’Algérie puis adapté Un ennemi du peuple d’Ibsen, Javi Rey a, cette fois, décidé de franchir le pas en travaillant à un récit en auteur complet, On l’appelait Bebeto. Gros coup de cœur pour nous, on vous le dit d’emblée ! Dans ce récit inspiré de la jeunesse de l’auteur, c’est la mélancolie qui domine. L’auteur y évoque, à travers Carlos, alter-ego fictionnel, la nostalgie qu’il a pour cette période un peu enchantée de sa vie. Celle de l’insouciance avec les parties de foot qui n’en finissent pas, les bagarres avec les skins qui trainent dans les parages et, bientôt, les premiers émois amoureux, pour la belle Sorrow, notamment, qui se révélera finalement être gay…mais aussi des après-midis passés à garder sa mamie qui perdait la tête (elle prenait Indurain, qu’elle regardait disputer le Tour de France, pour son petit-fils Miguel décédé dans un accident…)…Des moments « suspendus » que l’auteur capte avec tendresse (à l’image de son dessin, très juste) et une vraie acuité. On l’appelait Bebeto est aussi un bel hommage à ces enfants, tel le Bebeto du titre, moqués, voire harcelés, parce que différents des autres : un peu trop gentils, naïfs ou plus matures parce que déjà un peu abimés par la vie mais pourtant sincères et attachants.
Un très beau récit, vraiment, touchant et nostalgique, qui parvient à saisir avec talent et une certaine poésie (notamment grâce au personnage lumineux de Sorrow) les promesses, paradoxales, de l‘adolescence.
(Récit complet, 144 pages – Dargaud)