BD. Athènes, 1936. La vie pourrait être belle pour Katina. C’est vrai, son café marche bien, notamment grâce au groupe d’Agapios, qui met l’ambiance tous les soirs et sait emmener les clients vers la transe avec son rébétiko, rejoint par la ténébreuse Béba et sa voix ensorcelante. Sauf que le dictateur Metaxás a ces métèques réfugiés en ligne de mire. Les flics ont d’ailleurs commencé à saccager des cafés et à casser les doigts des musiciens qui jouent du rébétiko…Une seule solution pour survivre : abandonner leurs instruments traditionnels, oud, cymbalum ou kanovaki et retirer les gammes orientales de leurs partitions…
Ceux qui connaissent bien l’œuvre de David Prudhomme se souviennent forcément qu’il avait déjà fait une incursion dans les effluves de narguilé chargées de haschich et les gammes ensorcelantes de cette musique dans le bien-nommé Rébétiko paru en 2009. Il y revient 16 ans après avec Rébétissa, sorte de jumeau féminin. Car si l’on retrouve, avec plaisir, les mêmes personnages (et donc Markos et Stavros !), la narration se focalise, ici, cette fois, sur Béba et Marika, les deux sœurs originaires de Smyrne en Turquie qui cherchent leur place à Athènes. Et l’amour, parmi les rébètes qui jouent dans les différents groupes qu’elles côtoient. Mais, bien sûr, il faut qu’elles tombent toutes les deux amoureuses du beau Markos…
Une suite (que l’on peut cependant lire indépendamment) à la sensibilité féminine qui nous plonge avec inspiration dans les ambiances enfumées mais aussi liberticides de l’Athènes de 1936. Des portraits croisés, dessinés avec beaucoup de subtilité (le trait n’a pas tant changé que ça en 15 ans) et d’expressivité (avec quelques scènes magnifiques : celles, muettes, où les doigts des joueurs courent sur le manche de leurs instruments), de deux sœurs qui nous parlent, en passant, d’héritage à transmettre, de liberté à défendre et d’amour. Un beau récit.
(Récit complet, 112 pages – Futuropolis)