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WAKE UP AMERICA Intégrale (Lewis – Aydin/ Powell)

Il y a des livres différents. Parce qu’ils vous marquent, vous bousculent. Wake Up America fait partie de ceux-là. Ecrit par John Lewis, qui en fut l’un des principaux acteurs, ce livre revient sur le combat pour les droits civiques des noirs américains dans les années 50/60. Lewis raconte comment, en tant que leader du SNCC (le comité de coordination non-violent des étudiants), il organisa, avec les autres figures emblématiques du mouvement, comme Luther King, C.T. Vivian ou Fannie Lou Hamer, manifestations, marches, fausses élections parallèles pour les noirs, pressions sur des chaînes de restaurants (comme Dobbs, par exemple) pour faire appliquer la déségrégation puis la loi sur les droits civiques ratifiée par Johnson en 1964 mais aussi pour obtenir, enfin, la garantie que les afro-américains puissent s’inscrire sur les listes électorales et faire en sorte que des gouverneurs ségrégationnistes comme Wallace ne puissent plus être élus. Car s’ils avaient officiellement le droit de vote, dans les faits les noirs du sud des Etats-Unis ne pouvaient l’exercer car tout était fait pour les empêcher de s’inscrire sur les listes électorales (les responsables des enregistrements ayant presque tous les droits, ils n’ouvraient leurs bureaux que 2 matinées par mois, faisaient attendre les gens des heures et des heures, leur imposaient parfois des tests d’alphabétisation…sans parler du mépris et des insultes avec lesquels ils les recevaient…). Et quand un noir parvenait à s’inscrire, son nom était publié dans le journal local et il devenait la cible de tout un tas de pressions: il pouvait perdre son travail, sa maison pouvait être incendiée par le Ku Klux Klan ou pire encore…Ce qui explique que seulement 2,1 % des noirs en âge de voter étaient inscrits sur les listes électorales du comté de dallas en 63! Hallucinant.

Un combat long, particulièrement dur et violent (de nombreuses personnes y laissèrent leur vie!) car chaque manifestation ou marche était violemment réprimée (certains passages sont d’ailleurs à la limite du soutenable) par la police, totalement soutenue par le gouverneur raciste de l’Alabama de l’époque, Wallace. Et les arrestations arbitraires étaient bien sûr monnaie courante. Sans parler du Ku Klux Klan qui menait des expéditions punitives la nuit, faisait disparaître certains « agitateurs » ou posait des bombes (comme dans l’église baptiste de Birmingham en septembre 63 qui tua 4 petites filles…). Rien que durant l’été 64, dans le Mississippi, suite à la ratification de la loi sur les droits civiques par le président démocrate Johnson, il y eut 1000 arrestations, 80 passages à tabac, 35 fusillades, 35 églises incendiées et 30 attentats à la bombe. Cela vous donne une idée du contexte dans lequel les afro-américains devaient se battre…

Puissant hommage à ceux qui ont combattu (et qui sont parfois morts pour leurs idéaux) pour faire avancer les droits des noirs et la démocratie aux Etats-Unis, Wake Up America est un livre fort, passionnant et édifiant, porté par le trait nerveux et efficace de Powel rehaussé de lavis de gris, que tout le monde devrait lire. Le genre de livres qui devrait être présent dans toutes les bibliothèques municipales, les médiathèques et les écoles. Cela tombe bien puisque Rue de Sèvres le ressort en version intégrale, un bon gros pavé de plus de 500 pages. Ce récit est aussi un appel à poursuivre la lutte pour la liberté et la démocratie! Ce que John Lewis a continué bien sûr à faire lui-même mais différemment puisqu’il a été député à la chambre des représentants des Etats-Unis de 1986 jusqu’à sa mort l’an dernier. Il l’ a aussi fait à travers les mots et les dessins de ce roman graphique. En 2011, Barack Obama lui avait remis la médaille de la liberté. Tout un symbole…

(Roman graphique, 561 pages – Rue de Sèvres)