COMICS. Une grosse maison de production, Ophis, vient d’annoncer le pitch de son prochain programme de télé-réalité. Elle est en effet parvenue à cloner le Christ à partir d’ADN retrouvé sur le saint suaire et va donc proposer aux téléspectateurs de suivre la vie de Jésus depuis sa naissance (programmée, bien sûr, pour le jour de Noël, la mère porteuse, vierge, naturellement, jeune fille de 18 ans prénommée Gwen, ayant déjà été choisie) jusqu’à son adolescence, si tout se passe bien (entendez par là si les chiffres de l’audimat sont bons). Une annonce pas très bien accueillie par la N.A.C., la Nouvelle Amérique Chrétienne, qui considère le projet totalement blasphématoire et commence à organiser des manifestations pour s’opposer à sa diffusion…
Télé-réalité, religion, punk-rock: voilà la trinité autour de laquelle Sean Murphy a construit Punk-rock Jesus, l’un des projets les plus personnels de l’auteur qui a ensuite travaillé sur les plus grandes séries de comics américain, à commencer par Batman. Et l’un des plus marquants ! Car Punk-rock Jesus décoiffe, son scénario, qui ne fait pas vraiment dans la dentelle, s’en prenant violemment à la télé-réalité et au fanatisme religieux, dont il démontre ici, avec brio, les dérives. Car si on est ici dans l’anticipation, tout sonne vrai et crédible dans Punk-rock Jesus, Sean Murphy ayant eu l’intelligence d’ancrer son récit dans la culture américaine. Son fondamentalisme religieux (le créationnisme est une théorie de l’apparition de l’Homme enseignée au même titre que l’évolutionnisme dans certains états), son goût pour les armes à feu ou le rôle de ses médias, capables de tout, et surtout de manipuler (si vous n’avez pas vu l’édifiant Scandale, le film de Jay Roach sur Roger Ailes, le fondateur de Fox News, arrêtez immédiatement de lire cette chronique pour le faire), pour faire de l’audimat et servir leurs intérêts. Porté par un dessin noir et blanc aussi nerveux (Murphy excelle dans les scènes d’action, hyper spectaculaires) qu’efficace, Punk-rock Jesus vous laisse véritablement groggy une fois la dernière page tournée. L’une des grandes réussites du comics US de ces dernières années ici proposé en version intégrale. A lire en écoutant la play list concocté par l’auteur: Marilyn Manson, The Bloody Hollies, Groovie Ghoulies ou Stiff Little Fingers !
(Intégrale, 232 pages – Urban Comics)