BD. La carrière d’un dessinateur est faite de cycles se faisant jour au gré des rencontres et de l’expérience de la vie. Pour JeanLouis Tripp, les années 90 ont été une période de création consacrée au design, à la sculpture ou aux reportages dessinés. Les années 2000 ont coïncidé avec son retour à la bande dessinée avec Le Nouveau Jean-Claude (avec Tronchet au scénario) puis Magasin général, superbe collaboration avec Loisel. Enfin, depuis une dizaine d’années, l’auteur s’est lancé dans l’autobiographie, avec les deux volumes d’Extases, exploration de sa sexualité et Le Petit frère, dans lequel il revient sur le drame de sa famille : la mort accidentelle de son petit frère Gilles. Avec Un Père, il poursuit cette introspection familiale en se focalisant cette fois, comme le titre l’indique, sur sa relation avec son père. Une relation complexe, faite de complicité et d’une grande proximité dans ses premières années (jusqu’à la naissance de son frère en fait, qui l’obligea ensuite à le « partager ») puis de tensions et de provocations de sa part, l’auteur ne vivant pas bien les incessantes disputes entre ses parents et n’aspirant qu’à une chose : prendre ses distances avec sa famille et vivre sa vie loin de Verdun-sur-Garonne. Ce qu’il fera d’ailleurs dès qu’il pourra, partant à Montauban, puis Paris et enfin Montréal où il vit encore une partie de l’année.
Pour élucider quelques mystères et combler des vides temporels il est allé voir sa mère pour lui poser des questions afin de comprendre, notamment, pourquoi la complicité qu’il avait avec son père s’est peu à peu distendue. Il en résulte un très beau portrait d’un père, engagé (encarté au PC, il allait vendre L’Huma sur la place du marché), bricoleur inventif, passionné de rugby et assez exubérant. Un magnifique hommage porté par un dessin vraiment juste, tantôt drôle tantôt touchant, qui nous en apprend également beaucoup sur l’auteur lui-même. Très recommandé !
(Récit complet, 360 pages – Casterman)
