BD. 2007. Ersin a réussi à faire ce dont il a toujours rêvé : vivre de son dessin. Bien sûr, ce qu’il publie pour Penguen lui permet tout juste de gagner sa vie mais il est là où il a toujours voulu être : au milieu d’autres dessinateurs, à refaire le monde et à essayer de faire avancer les choses grâce à ses dessins. D’ailleurs, rapidement, avec 5 autres caricaturistes, ils parlent de créer leur propre magazine qui finira, après beaucoup de discussions au café du coin et de bières éclusées, par voir le jour. Le premier numéro d’Uykusuz (« Insomniaque », en français) paraît en effet le 7 septembre 2007 alors que l’AKP, le parti d’Erdogan, ne cesse de devenir plus puisant…
Si le premier tome, excellent, de Journal inquiet d’Istanbul, se concentrait sur la jeunesse d’Erin Karabulut, cette seconde partie nous fait, cette fois, vivre l’aventure d’Uykusuz, le magazine satirique que notre homme créa avec 5 autres dessinateurs. Il partage avec nous l’excitation des débuts, les difficultés inhérentes à ce genre de projet (ils étaient peu disciplinés et avaient du mal à respecter les deadlines…), les réussites (Uykusuz devint rapidement l’hebdo le plus vendu en Turquie…) mais aussi les doutes et les peurs…Car être caricaturiste dans la Turquie d’Erdogan n’est pas de tout repos…
Une suite, toute aussi réussie, qui mêle, de nouveau, trajectoire personnelle et évolution d’un pays, la Turquie, que l’on voit s’enfoncer, progressivement, dans les ténèbres de l’obscurantisme sous l’impulsion d’un Erdogan semblant capable de tout pour rester au pouvoir…A la fois autobiographie sincère et souvent drôle (à l’image de la façon dont il se dessine, Karabulut n’est pas toujours tendre avec lui-même…), ode à la création et manifeste pour la liberté, ce Journal, porté par un travail graphique aussi personnel (il mêle caricature et réalisme saisissant) qu’abouti, est indispensable !
(Série autobiographique, 184 pages pour ce tome 2 – Dargaud)