BD. Michel a bien décidé d’essayer de vivre après ça, il s’est même marié à Cécile, mais ses sourires sont restés à Saint-Vaast et sa vie s’est arrêtée ou presque lorsqu’il était adolescent. La mort de son frère, le coup de grisou qui emporta les 42 mineurs le 27 décembre 1974, le suicide de son père qui ne s’en est jamais remis, sa vie pleine de tristesse : c’est la mine maudite, qui était responsable de tout cela. Alors, Michel avait décidé de les venger : son frère Joseph, son père et les autres mineurs, à la mort de sa femme. Mais quand son procès s’ouvre au tribunal de Saint-Omer, qui juge-t-on exactement ?
Sans avoir lu beaucoup de romans de Sorj Chalandon, on peut tout de même affirmer une chose : ses œuvres font de belles adaptations en bande dessinée. Après Mon Traître et Retour à Killybegs (talentueusement mis en images par Alary), c’est en effet, cette fois, Le Jour d’avant qui se voit adapter en roman graphique par Dutter et Géliot. De façon très convaincante. Alors certes le matériau de départ est puissant et poignant. Et l’hommage de Chalandon aux victimes de ce coup de grisou de décembre 1974 et à tous les mineurs qui ont souffert ou sont morts (beaucoup étaient silicosés…) de la mine est aussi marquant que le coup de gueule qu’il pousse (personne n’a été rendu responsable de cette tragédie alors que des manquements graves à la sécurité ont rapidement été pointés du doigt) dans son roman. Mais Dutter et Géliot se le sont appropriés avec brio. Le premier en restant fidèle au texte originel tout en mettant en exergue sa beauté sombre. En proposant une narration fluide et très maitrisée, aussi, qui réserve quelques surprises, véritables coups de bambou que l’on prend derrière la tête. Et le second en livrant une partition graphique osée mais qui fait totalement sens. Un trait au crayon très brut et spontané, sans encrage, rehaussé de couleurs et de lavis pour les ombres. Un travail graphique sombre sans fioritures et sincère, à l’image des gueules noires qu’il croque avec respect. Une vraie réussite !
(Récit complet, 242 pages – Steinkis)